Le dynamisme des filières A.O.P. dans le Doubs cache aussi des situations économiques et sociales qui mettent des exploitations en grande difficulté comme le constate chaque jour l’association Solidarité paysan en encourageant les agriculteurs en difficulté à solliciter un accompagnement le plus en amont possible.

“On ne le dira jamais assez mais c’est préférable d’appeler le plus tôt possible avant que les situations ne deviennent trop compliquées pour tout le monde”, insiste Sylvie Jeannin, ancienne agricultrice membre de l’association Solidarité Paysan qui est en place depuis 1992 dans le Doubs. Il existe la même structure dans le Jura, la Haute-Saône et pour l’ensemble des départements de Bourgogne. “On est présent dans 83 départements avec une association faîtière nationale qui emploie six salariés dont plusieurs juristes. On a une animatrice dans le Doubs qui a un poste partagé avec la Haute-Saône”, complète Jean Vuillet, lui aussi ancien agriculteur et président de Solidarité Paysan Doubs.

Jean Vuillet, le président de Solidarité Paysan dans le Doubs et Sylvie Jeannin, bénévole de l’association.

En 2024, l’association a accompagné 55 familles dont 14 nouvelles. “On identifie trois niveaux d’intervention avec des dossiers légers qui sont rapidement réglés, des dossiers globaux nécessitant plusieurs déplacements ou visites et les dossiers importants dont le traitement peut durer plusieurs mois, voire des années. Sur les 55 dossiers gérés en 2024, on en trouve 11 dans la première tranche, 23 dans la seconde et 21 dans la dernière”, détaille Sylvie Jeannin.

La ventilation par secteur de production montre que toutes les filières sont concernées. Plus de la moitié des structures en difficulté sont en élevage laitier, 18 % en production diversifiée et 11 % en lait standard. “Depuis un an, on enregistre beaucoup de cas de mésentente au sein des G.A.E.C. Pour faire face à ce nouveau phénomène, une partie des bénévoles a suivi une formation à la médiation. Les modalités d’intervention sont toujours les mêmes et reposent sur la volonté de l’agriculteur en difficulté de demander de l’aide. Rien ne se fait sans son accord. On se déplace seulement quand le paysan appelle, sinon cela ne fonctionne pas. On se limite parfois juste à présenter l’association. C’est rare que cela n’aille pas plus loin. On intervient toujours en binôme en sachant qu’il est composé au moins d’un agriculteur actif ou en retraite.”

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Solidarité Paysan n’agit pas seule mais en partenariat avec d’autres organismes comme la chambre d’agriculture, les banques ou la M.S.A. Sylvie Jeannin observe aussi que beaucoup de gens sont dans le déni ou ont honte de se retrouver dans une mauvaise passe. “Au besoin, on n’hésite pas à faire appel à des compétences externes pour débrouiller des points techniques ou juridiques. On est sans doute la seule association proposant aux personnes de les accompagner au tribunal pour les sauvegardes judiciaires, les liquidations ou les procédures collectives.”

Avec 33 ans d’expérience, Solidarité Paysan Doubs a fait ses preuves. Son efficacité est maintenant reconnue. Sa force réside incontestablement dans la relation de confiance établie avec la personne. “Notre priorité, c’est de sauver l’homme et ensuite on regarde si on peut aussi sauver la ferme. On se déplace parfois pour des problèmes minimes mais on constate souvent que le malaise est plus profond.”

Le bilan 2024 est un peu moins critique qu’en 2023 où l’association avait accompagné 60 familles dont 24 nouvelles. “On trouve aussi bien des jeunes que des anciens exploitants. On a aussi des retraités, des couples en séparation. On est assez vigilant sur la thématique de la transmission car il y aura beaucoup de départs dans les 5 à 10 ans à venir. Dans ces cas-là, on joue un rôle de facilitateur entre le repreneur et le cédant.”

Sylvie Jeannin et Jean Vuillet rappellent que l’association intervient gratuitement en demandant seulement à la personne de prendre une cotisation dont le montant est de 20 euros. L’association compte aujourd’hui une trentaine de bénévoles venus de tous les horizons sociaux, professionnels. “Il suffit d’avoir la fibre rurale. On leur propose des formations. Avec l’expérience, on apprend à mieux écouter. On essaie également de rester assez neutre, ce qui n’est pas toujours facile. Quand le problème devient insoluble, on passe parfois au stade de l’étude collective.”

À la demande des “victimes”, des groupes de parole ont été mis en place depuis quatre ans. Ces séances encadrées par une animatrice permettent à chacun de verbaliser ses problèmes. “L’an dernier, on a continué dans cette approche collective en créant un groupe d’échanges de pratiques car les personnes ont rarement l’occasion de comparer leur situation avec d’autres. C’est très valorisant.” Certains accompagnés sont devenus des accompagnants. “On peut aussi se féliciter de l’ambiance qui règne parmi nos adhérents”, apprécie Jean Vuillet.