Directeur sportif des équipes de France de biathlon depuis sept saisons, Stéphane Bouthiaux revient sur la chute malencontreuse de Lou Jeanmonnot, les résultats des filles et des garçons, la place du massif jurassien sur la scène nationale, la popularité du biathlon, les prochains J.O. d’hiver, son parcours… Entretien.
C’est à dire : Quelle est votre analyse sur cette chute de Lou Jeanmonnot qui a tenu en suspens toute la France du biathlon ?
Stéphane Bouthiaux : On apprend toujours de ce type de situation. J’espère que la prochaine fois, elle fera en sorte de ne pas se laisser enfermer contre les barrières. Il peut arriver que des fautes soient commises de façon intentionnelle mais ici, ce n’est absolument pas le cas.
Càd : Des regrets, malgré tout ?
S.B. : Forcément quand cela se joue à l’emballage final sur la dernière course de la saison. Pour autant, Lou a eu plein d’autres occasions de faire la différence. Toute la saison a été un apprentissage. Elle termine sa troisième saison complète sur le circuit Coupe du monde. J’espère que la quatrième sera la bonne. Je sais qu’elle va tout faire pour y parvenir. Elle a tout le potentiel et elle arrive dans ses meilleures années en suivant une progression régulière.

Càd : Cette chute a fait beaucoup causer. On en a parlé un peu partout…
S.B. : Que les gens en parlent c’est très bien, ce qui est plus gênant, c’est le nombre de commentaires de “profanes” totalement hors sujet…
Càd : Les résultats des jeunes skieurs locaux ouvrent de beaux espoirs ?
S.B. : Le Haut-Doubs nordique est en bonne forme mais c’est aussi le cas dans tous les comités où se pratiquent ces disciplines. On se réjouit de voir quelques jeunes qui semblent sur la bonne voie en sachant que le chemin est encore long avant de s’imposer en senior.
Càd : Comment expliquez-vous la popularité du biathlon ?
S.B. : Cela plaît énormément. Ce sport est devenu un spectacle qui se renouvelle en permanence, avec du suspense, des émotions. Son succès repose aussi sur la présence d’une grande chaîne nationale qui couvre toutes les courses. Sur le plan médiatique, c’est très porteur. De plus en plus de jeunes se présentent dans les clubs pour faire du biathlon. Cela représente aujourd’hui pratiquement 50 % des effectifs dans les clubs nordiques qui proposent du biathlon.
Càd : La culture biathlon du Massif jurassien fait-elle toujours la différence ?
S.B. : Il n’y a pas ou plus de spécificité jurassienne. Quand on regarde les classements nationaux, on constate qu’il y a beaucoup plus d’athlètes des comités Mont-Blanc, Savoie. Ils ont beaucoup plus de moyens, plus d’entraîneurs. Dans ces conditions, c’est plus facile d’accompagner les jeunes. Aujourd’hui, tous les comités se sont structurés. Le Massif jurassien faisait la course en tête mais il y a 25 ans.
Càd : Au bilan de la saison Coupe du monde, il semble que les filles aient pris les devants sur les garçons ?
S.B. : Les filles, c’est juste générationnel. Il y a cinq ans, les garçons étaient sur le devant et maintenant c’est l’inverse. Chez les U19, il y a plus de promesses chez les garçons. Au niveau Coupe du monde, les garçons ont fait une très belle saison avec au final 3 Français dans le Top 10. Les garçons ont remporté tous les relais et ils ont fait autant de podiums que les filles. Hormis Lou Jeanmonnot, les filles ont fait 7 podiums de moins. Les équipes de France senior ont fait 66 podiums en Coupe du Monde contre 52 l’an dernier. C’est le record.

Càd : Avec huit victoires, Lou Jeanmonnot bat aussi un record pour une Française sur une saison ?
S.B. : Exact, elle devance Sandrine Bailly et Justine Braisaz qui ont, elles, remporté 6 victoires sur une saison.
Càd : La saison 2025-2026 sera marquée par les J.O. d’hiver en Italie. En quoi cela change la préparation des athlètes ?
S.B. : Pour l’instant, on met en place un dispositif pour faire une saison. Chaque athlète va déterminer ses objectifs. On n’ignore pas les J.O. car une médaille olympique, c’est unique. Les sélections olympiques se feront uniquement sur les résultats de la saison à venir. Bien entendu, avec les résultats de cette saison, certains et certaines ont déjà marqué des points.
Càd : Le biathlon est-il un sport exposé aux blessures plus qu’un autre ?
S.B. : Il y a très peu de blessures en compétition dans cette discipline. Le risque est plus grand pendant la période de préparation où l’on pousse le curseur très loin au niveau de l’entraînement. C’est plutôt cette charge d’entraînement qui peut provoquer des blessures.
Càd : Peut-on rappeler votre parcours jusqu’à la tête des équipes de France de biathlon ?
S.B. : J’ai d’abord eu une carrière d’athlète pendant 12 ans avant de m’occuper pendant six ans du comité Massif jurassien. J’ai poursuivi pendant trois ans au pôle France à Prémanon. J’ai entraîné ensuite l’équipe de France junior puis l’équipe de France senior homme sur trois Olympiades. En 2018, j’ai pris le poste de directeur sportif à la tête d’un groupe comprenant 72 personnes dont la moitié sont les athlètes des équipes de France. À mon poste, j ai aussi la charge de gérer toute la politique nationale de la discipline.
Càd : On ne vous a jamais sollicité pour entraîner des équipes étrangères ?
S.B. : Si, à plusieurs reprises mais je reste très attaché à mon pays. Ce qui me guide encore aujourd’hui, c’est la passion. De novembre à mars, j’ai passé seulement trois week-ends à la maison.
Càd : En savez-vous plus sur votre avenir ?
S.B. : On fonctionne sur des cycles olympiques. Je suis en poste jusqu’aux J.O. de Milan. Ensuite, il y a aura des élections au sein de la fédération avec la possibilité d’avoir un nouveau président, un nouveau D.T.N., ce qui signifie que, comme après chaque J.O., l’ensemble de l’organigramme de la fédération peut être remis en cause…