À l’occasion de la commémoration du 11 novembre et des soldats morts pour la France, le Souvenir Français soulève la question de la pérennité des tombes des soldats. Ces dernières sont intrinsèquement liées au devoir de mémoire et de l’identité française. Pourtant, des vols sont régulièrement commis sur les sépultures.

L’affront a été réparé le 10 octobre dernier. En présence des descendants de Paul Roussel de Villers-le-Lac, mort pour la France en juin 1915, la plaque commémorative a été installée à nouveau sur le monument aux morts des Écorces. Cette dernière, fruit d’un bel ouvrage datant de 1915, avait été volée puis vendue aux enchères.

Le Souvenir Français au niveau national effectue des veilles mémorielles informatiques. L’association a ainsi pu identifier le voleur et récupérer la plaque. Une plainte en gendarmerie avait été déposée. « Le devenir des plaques sur les sépultures qui sont volées, puis vendues aux enchères fait partie de notre veille mémorielle. On assiste à de plus en plus de vols, » explique Jean-Michel Blanchot, président du comité du Souvenir Français Val de Morteau-Saugeais. « Nous sensibilisons aussi les élus pour qu’ils ne fassent pas n’importe quoi avec les tombes des morts pour la France. Dans notre secteur, nous avons des élus très sensibles à cette question, ils nous sollicitent souvent. Mais toutes les communes ne manifestent pas un intérêt mémoriel. »

Le devenir des tombes Morts pour la France, pose question

Le Souvenir Français, créé en 1870 pour donner une sépulture décente aux Morts pour la France, est confronté, comme les communes, à la problématique de la place dans les cimetières et à la question de la déshérence. Leur mission d’entretien des tombes des soldats français s’en trouve compliquée. « Depuis plusieurs mois, nous avons commencé un état des lieux, dans toutes les communes du Val de Morteau et du Saugeais. Il faut faire l’inventaire de toutes les tombes, identifier les ayants-droits, les tombes correctement entretenues, etc. C’est compliqué, » admet Jean-Michel Blanchot.

L’association planifie également une action de rénovation de sépultures. « On ne peut pas intervenir directement. La grosse difficulté est d’identifier les ayants-droits, » reprend l’historien. « Lorsqu’un “Mort pour la France” est inhumé dans un cimetière communal, sa sépulture est soumise au régime général des concessions funéraires. Cela signifie que, sauf disposition particulière, la tombe est considérée comme une concession privée, dont l’entretien et le renouvellement incombent aux familles ou ayants-droits. En l’absence de renouvellement ou d’entretien, la commune peut engager une procédure de reprise pour état d’abandon, conformément aux règles applicables à toutes les concessions funéraires. » Précision importante : les communes ne peuvent pas ignorer la mention « Mort pour la France » sans en informer les autorités compétentes, notamment le Souvenir Français et l’O.N.A.C.V.G. (les anciens combattants). Pour autant, « il n’existe pas de perpétuité automatique du seul fait de la mention “Mort pour la France”, sauf si la commune ou l’État a accordé expressément une concession perpétuelle ou un statut spécifique, comme c’est le cas dans certains carrés militaires ou cimetières nationaux, » précise Jean-Michel Blanchot.

À Montbenoît, la tombe de Bernard Faivre de La Longeville, mort en Algérie, est tombée dans le domaine public grâce à une concession à perpétuité accordée par la mairie. « C’est un très bel exemple à suivre, rare aussi. Il s’agissait d’une demande de la famille, qui se posait la question du devenir de la tombe de leur frère, » souligne le président du Souvenir Français.

Autre levier à activer pour la préservation des tombes des soldats : la création de carrés militaires. Montlebon et Remonot en disposent d’un. « Un carré militaire, plus personne ne peut y toucher, même le maire, il tombe dans le domaine public et national. C’est vraiment sanctuarisé, et sacré sur le plan républicain, » éclaire Jean-Michel Blanchot.

Pour ce professeur d’histoire, l’entretien et la conservation des tombes est étroitement liée à celle de la transmission du travail de mémoire. « C’est un respect civique et républicain pour nos devanciers qui sont morts, c’est un patrimoine qui témoigne des guerres passées, qui fait partie à part entière de notre histoire et de notre identité. Le devoir de mémoire est consubstantiel aux idéaux de la République. Mais le devoir de mémoire ne passe pas que par la pierre, celle-ci est un des supports de la mémoire villageoise et des familles. »

Toujours évolutif, le travail de mémoire a permis de rajouter 18 noms au Monument aux morts de Morteau. Des soldats déportés, oubliés du S.T.O. (service du travail obligatoire en Allemagne) ou encore des tirailleurs sénégalais.

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