Sécurité des lieux de culte, lutte contre les actes anti-musulmans, gestion des associations exerçant le culte musulman, professionnalisation et recrutement des imams, financement des associations cultuelles musulmanes… Autant de sujets qui font l’objet d’une étroite collaboration avec les services de l’État dans le Doubs. Le point sur un sujet qui cristallise trop souvent les tensions

L’islam du Doubs prend ses marques

La 5ème édition des Assises Territoriales de l’Islam de France qui s’est tenue au début de l’été à la préfecture du Doubs a été l’occasion d’apporter des éclairages sur la pratique de l’islam dans notre département et de lever quelques difficultés persistantes

Le dialogue est sans doute le maître-mot dans les rapports qu’entretient l’État laïc avec les religions présentes sur son territoire, et notamment l’islam, deuxième religion de France avec plus de 4 millions de pratiquants estimés. Ces Assises Territoriales de l’Islam de France (ou A.T.I.F.) s’inscrivaient ainsi dans un cycle annuel de dialogue entre l’État et le culte musulman, ayant pour objectif de "renforcer la représentation des acteurs locaux et d’alimenter les échanges nationaux par les préoccupations locales. Ces assises s’inscrivaient en outre cette année dans les 120 ans de la loi de 1905", indique le préfet du Doubs Rémi Bastille.

Parmi les intervenants, Hambli Badreddine, acteur et militant associatif musulman. “Je remercie Dieu” a-t-il dit à la tribune.

Cette cinquième édition des A.T.I.F. visait donc à poursuivre et approfondir le dialogue. Et elles arrivaient dans un contexte où "trois actes antimusulmans ont été perpétrés dans le Doubs depuis le début de l’année, des actes particulièrement violents", ajoute le représentant de l’État. Dont un à Villers-le-Lac. À l’échelle du Doubs, trois groupes de travail se sont réunis autour des six thèmes retenus au plan national : la sécurité des lieux de cultes et la lutte contre les actes anti-musulmans, le droit et la gestion des associations exerçant le culte musulman, la professionnalisation et le recrutement des imams, l’organisation et la gestion des aumôneries, les ressources et le financement des associations cultuelles, et enfin la structuration territoriale et inter-associative des acteurs du culte musulman.

Ces trois groupes de travail locaux ont concerné les droits, la gestion et le financement des associations musulmanes, le recrutement des imams dans le Doubs et la sécurité des lieux de culte. "L’islam est bien évidemment compatible avec la République française, ajoute Rémi Bastille, cette question n’est pas à discuter. Mais il est nécessaire de toujours dialoguer", note-t-il en présence de Massine Taleb, du bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur présent ce jour-là à la préfecture du Doubs. "Les assises territoriales de l’islam ont été lancées en 2018 dans le but de refonder les rapports entre l’État et les acteurs du culte en partant du local et en s’appuyant sur les initiatives dans les territoires", complète M. Taleb.

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Les règles évoluent progressivement. Ainsi depuis 2020, il est interdit aux mosquées de recruter des imams "détachés" en provenance d’un pays étranger, et payés par ce dernier. "Tous les imams doivent être membres d’une association française dont ils sont salariés. Ils ont une autre obligation : la maîtrise du français et être titulaire du D.U. Laïcité et République", ajoute un participant aux assises. "Pour clarifier encore mieux les choses, peut-être que le Coran devrait être traduit en français et les prêches se faire en français, comme le français a remplacé le latin dans le culte catholique ?", avance un autre participant à ces rencontres. Le métier d’imam a désormais un code R.O.M.E. (répertoire opérationnel des métiers et des emplois) à France Travail.

Mais il reste encore des lacunes. "L’offre de formation des imams en France est encore insuffisante. C’est pour ça que les associations continuaient de recruter à l’étranger", juge Mohammed Khormri, aumônier hospitalier régional musulman. La France compte à ce jour près de 2 600 mosquées, dont une trentaine dans le Doubs. D’autres projets émergent des discussions entre l’État et le culte musulman dans le Doubs, comme la création d’un annuaire des aumôniers musulmans pour les personnes hospitalisées, les pratiquants militaires ou encore les prisonniers de confession musulmane.

La question du financement des associations cultuelles reste encore au cœur des discussions. Un représentant du culte musulman regrettait que "certaines associations se soient vues refuser des prêts par des banques au nom du principe de laïcité ! Alors que c’est totalement illégal…". Si le dialogue avance pour une meilleure intégration du culte musulman et la bonne marche d’un islam de France, il reste encore des points d’accord à trouver et des réglages à effectuer pour que cette question ne cristallise plus les débats comme cela a été trop souvent le cas ces dernières années.