Face à l’augmentation des besoins en médicaments dérivés du plasma, l’Établissement français du sang appelle à une grande mobilisation des citoyens pour le don de plasma. 10 000 dons de plasma doivent être collectés d’ici fin décembre. La question de la souveraineté sanitaire et de la défense du modèle du don éthique non rémunéré est en jeu.

C’est une piqûre de rappel qui peut permettre d’éviter l’hémorragie à l’avenir. L’Établissement français du sang appelle à une grande mobilisation pour le don de plasma. 10 000 dons doivent être réalisés en Bourgogne-Franche-Comté d’ici décembre, soit 30 % de plus qu’habituellement. Il s’agit ici d’une question de santé publique, de souveraineté, d’autonomie de la France et de défense d’un modèle éthique où la marchandisation du corps n’a pas sa place.

Le Dr Christophe Barisien, directeur de la collecte et de la production de produits sanguins labiles et Dr Fanny Delettre, directrice de l’Établissement français du sang.

Si aujourd'hui, la collecte de sang est rentrée dans (presque) tous les esprits, c’est loin d’être le cas pour le plasma. Un manque de sensibilisation, avance le Dr Fanny Delettre, directrice de l’E.F.S. Or, les besoins en plasma ont doublé en France depuis 15 ans. Le plasma peut être utilisé pour la transfusion mais il est surtout indispensable dans la fabrication de médicaments dérivés du plasma. Ces derniers sont prescrits pour traiter des maladies chroniques ou maladies auto-immunes, entre autres. Le plasma joue également un rôle important dans les soins support pour des personnes atteintes de cancer, contribuant à gérer des effets secondaires et prévenir les complications.

Contrairement au plasma, la France est complètement autosuffisante pour les produits sanguins labiles, collectés grâce au don du sang

Les besoins en médicament dérivés du plasma augmentent de 8 à 10 % chaque année en France. Alors que "nous dépendons à 65 % de médicaments importés des États-Unis qui n’appliquent pas les mêmes valeurs éthiques que nous", déplore le Dr Fanny Delettre. "Là-bas, les organisations ne sont pas dirigées par l’État mais par les laboratoires pharmaceutiques. Le don est rémunéré, ce qui ne correspond pas aux principes éthiques mis en place en France. En France, on peut donner son plasma toutes les deux semaines. Aux États-Unis, on peut le vendre deux fois par semaine. C’est un système de marchandisation du corps humain qu’on ne souhaite pas voir s’implanter en France. D’où l’importance d’être souverain dans le don de plasma."

Le premier levier est la sensibilisation de la population. "Peu connaissent le don de plasma", observe la directrice de l’E.F.S. Le don se prélève uniquement en maison du don, sur rendez-vous. Il faut ménager un créneau de 2 heures environ. "Les conditions d’accès sont les mêmes que pour le don du sang pour les personnes de 18 à 65 ans, voire plus souples. Après un voyage, il n’y a pas besoin d’un délai. Aux dires des donneurs, le don de plasma fatigue moins que le don de sang", souligne le Dr Christophe Barisien, directeur de la collecte et de la production de produits sanguins labiles à l’E.F.S. "C’est un peu plus long, mais on peut aussi en faire un temps pour soi", ajoute le Dr Fanny Delettre.

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Si la France est autosuffisante en produits sanguins labiles issus du don du sang, ce n’est pas le cas du plasma. 4 % de la population en âge de donner donne son sang, contre 1,2 % pour le plasma. Sachant qu’il est possible de mixer don du sang et don plasma, "donner son sang total, c’est aussi donner son plasma", précise la directrice de l’E.F.S. Pour atteindre cette souveraineté sanitaire du plasma, des objectifs sont programmés jusqu’en 2028. Chaque don permet de récupérer entre 600 et 800 ml de plasma. En 2024, 880 000 litres ont été collectés sur le territoire national. L’objectif de cette année est de 915 000 litres. Puis 1,2 million en 2026 pour atteindre 1,4 million de litres en 2028.

Pour réaliser ces objectifs, il faut multiplier par 3 le nombre de dons actuels.

L’impossible collecte mobile du plasma freine les donneurs

La prochaine collecte de don du sang à Morteau a lieu le 23 décembre à L’Escale (photo d’illustration).

Depuis qu’elle a 22 ans, Monique Mahowlic donne son sang. L’actuelle présidente des amicales du don de sang de Morteau et Villers-le-Lac était à l’époque entraînée par ses collègues de l’ex-Fabi, l’entreprise offrant une heure pour aller donner son sang. L’habitante des Fins avait aussi pris l’habitude de donner son plasma. Quand les collectes mobiles étaient possibles. “Maintenant, je ne donne plus, je dois aller jusqu’à Besançon”, observe-t-elle.
Depuis de nombreuses années, les collectes de plasma ne sont plus réalisées qu’en maison du don. Des nouvelles machines plus efficaces et plus sûres nécessitent des réglages précis qui ne permettent pas de les déplacer. “Il est primordial et nécessaire de mobiliser les donneurs sur le don de plasma”, plaide Raymond Tournier, du Russey, président de l’Union départementale fédérée pour le don du sang. “Malheureusement, les dons de plasma ne se font qu’en maison du don et il est compréhensible qu’on ne puisse pas demander à un donneur de faire des dizaines de kilomètres et prendre 3-4 heures de son temps pour faire un don de plasma. Pour autant, des navettes ont été organisées entre certaines amicales et la Maison du don. Chacune et chacun d’entre nous peut contribuer à cette montée en puissance de la collecte du plasma pour répondre à l’enjeu de souveraineté et d’autosuffisance français. Nous l’avons réussi depuis plus de 75 ans pour la collecte de sang total.” Tout comme l’E.F.S., Raymond Tournier s’inquiète d’un affaiblissement du don éthique français. “En Europe, le marché des médicaments dérivés du plasma a atteint près de 6 milliards d’euros. Ces enjeux pluriels attirent la convoitise de sociétés privées avides de profit, qui argumentent auprès des autorités en faveur du don rémunéré, qui selon elles, serait la réponse à cette situation de dépendance et de pénurie. Cette situation pose un dilemme éthique majeur autour de la préservation des principes régissant le don de plasma, notamment celui de la gratuité, dans un contexte de pénurie et de hausse des coûts des produits dérivés.”