L’immobilier est-il sorti de la crise ? Le point avec Olivier Cassard, responsable Marché de l’Habitat - Habitat Conseil au Crédit Agricole Franche-Comté.
Le marché de l’habitat donne-t-il enfin quelques signes de reprise en Franche-Comté ?
Olivier Cassard : Globalement, à l’échelle de la Région Franche-Comté, nous observons effectivement des signes de reprise mais qui restent contrastés. Le courant d’affaires porte davantage encore sur la rotation des biens existants (+ 20 % de transactions depuis la fin 2024) et le coup de pouce des pouvoirs publics sur les aides accordées à la sortie des passoires énergétiques a été bénéfique sur le 1er semestre 2025 notamment sur les acquisitions d’ancien avec travaux. Les prix hors zones urbaines semblent se stabiliser voire repartir à la hausse. Le neuf porte encore les effets de la crise des deux dernières années. Le coût de la R.E. 2020 (réglementation énergétique et environnementale de l’ensemble de la construction neuve) qui conduit à un vrai confort de vie écarte encore un segment de clientèle aspirant à la propriété. Pour autant, au regard de la progression de 13 % du nombre de permis de construire autorisés ce début 2025, nous restons confiants et très attentifs à vouloir accompagner ces nouveaux projets qui font vivre toute la chaîne des métiers du bâtiment. Notons enfin que, dans ce contexte, les collectivités et les professionnels de l’immobilier de la région soutiennent de plus en plus des programmes immobiliers plus abordables type Bail Réel Solidaire ou projets éligibles au Prêt Social Location Accession qui sont un succès dans les zones tendues du territoire national et pour lesquels nous sommes en mesure d’apporter toutes les solutions de financement.

Peut-on dire qu'on est sorti de cette longue crise de l'immobilier ou toujours pas ?
O.C. : La crise de l’immobilier est apparue il y a seulement deux ans du fait de la conjonction de plusieurs facteurs tels que la hausse du prix du foncier liée à la « Zéro Artificialisation Nette » (Z.A.N. 50), le surcoût de la R.E. 2020, les contraintes d’investissements sur les passoires énergétiques pour continuer à les louer, la restriction du périmètre d’éligibilité des P.T.Z., la hausse brutale des taux d’intérêt qui a contraint les banques à ne pas dépasser le taux d’usure… Depuis, les taux d’emprunts se sont détendus et les pouvoirs publics ont pris quelques mesures d’assouplissement dernièrement qui conduisent à la reprise évoquée plus haut. N’en demeure pas moins que les autres facteurs persistent notamment dans la construction et qu’ils s’inscrivent comme un véritable frein à une reprise globale.
Les mesures gouvernementales récentes comme l’extension du P.T.Z. ont-elles eu des incidences sur le marché de l’habitat ? Les primo-accédants sont-ils de retour ou toujours pas ?
O.C. : Depuis avril 2025, l’extension du Prêt à taux Zéro (P.T.Z.) à la construction de maison individuelle et aux acquisitions d’ancien avec travaux a été généralisée à toutes les zones de la Région et elle était destinée à répondre aux nouveaux défis du marché immobilier. Les banques ont, pour certaines d’entre elles, accompagné ce dispositif à l’image de l’offre Crédit Agricole « Booster de PTZ by CA », un prêt de 20 000 euros à 0 % valable jusqu’à la fin de cette année.
Quels sont les premiers résultats ?
O.C. : La part de primo-accédants dans le financement de la résidence principale a progressé de 5 % et en représente désormais 68 %, soit un niveau très proche des standards connus dans les bonnes années. À fin août 2025, nous avons doublé le nombre de P.T.Z. accordés. Cela montre que les mesures ont un impact positif sur la filière. Cependant, nous constatons, à notre niveau, qu’elles ont plus joué un rôle de catalyseur car la part des constructions neuves dans les projets des primo-accédants reste aux alentours de 10 % comme en 2024, et celle concernant les acquisitions plus travaux invariablement à 30 %. La dynamique des primo est restée orientée « acquisition d’ancien » avec un montant moyen d’emprunt de 179 000 euros cette année, en hausse de 10 % par rapport à 2024, qui laisse entendre que cette catégorie d’emprunteurs se soit orientée vers des biens d’un meilleur standing.
Pour les jeunes primo-accédants, plus ou moins modestes, qui réfléchissent à se lancer dans un projet immobilier, l’acquisition d’ancien avec travaux subventionnables (si tant est que le dispositif MaPrimeRénov’ puisse perdurer) ou l’acquisition de neuf dans le cadre des dispositifs B.R.S. ou P.S.L.A. évoqués juste avant pourraient s’avérer être de belles opportunités.
Quelle est l’évolution du volume de prêts habitats accordés par le C.A.F.C. ces trois dernières années et quel est le niveau de prêts pour cette année 2025 et les objectifs du C.A.F.C. en la matière ?
O.C. : Nous gardons en référence les années 2020 à 2022 où nous réalisions 1,3 milliard d’euros de crédits Habitat par an sur la Franche-Comté. Après une baisse de 40 % en 2023 (800 millions d’euros), puis à nouveau de 10 % en 2024 (720 millions), nous anticipions une reprise en 2025, et l’objectif du milliard d’euros va être atteint cette année. Ce niveau de réalisations de crédits (+ 40 % par rapport à 2024) montre une réelle reprise du financement de l’habitat et nous prévoyons un marché encore porteur pour 2026 avec une ambition de 1,1 milliard d’euros qui devrait nous maintenir à plus de 32 % de parts de marché sur le territoire.
Quelles incidences ont eu les baisses régulières des taux à l'échelle régionale ?
O.C. : Les taux de crédits Immobiliers ont amorcé une baisse continue depuis la fin 2023 où ils se situaient au-delà de 4 %. En septembre 2024, nous les distribuons en moyenne à 3,60 % quand en septembre de cette année, ils oscillent autour de 3 à 3,20 %. Concrètement, cela signifie que pour un projet moyen de 200 000 euros, et pour une même mensualité sur 20 ans, un ménage peut emprunter 18 000 euros de plus qu’en 2023. Cette capacité supplémentaire s’est traduite, au Crédit Agricole Franche-Comté, par une augmentation de près de 30 % des demandes de crédits immobiliers en 2025.
Quels taux peuvent espérer les acquéreurs dans les prochains mois ?
O.C. : Les quatre dernières baisses de taux directeurs de la Banque Centrale Européenne ont eu un effet bénéfique sur les taux de crédits. Cependant, le nouveau contexte d’instabilité politique et les incertitudes économiques pèsent désormais davantage en France que dans le reste de l’Europe. La conséquence est une augmentation du taux de l’O.A.T. française 10 ans (Obligation assimilable du Trésor) qui flirte désormais avec les 3.40 %. Les taux de crédits étant étroitement liés à l’évolution de cette O.A.T., il reste difficile de faire une prospective à ce stade et nous nous attendons, au mieux, à une stabilité. Cela dit, les banques régionales n’hésitent pas à proposer des compléments d’offres à des conditions préférentielles permettant de diminuer le coût de crédit. C’est le cas au Crédit Agricole Franche-Comté pour des projets portant sur les D.P.E. A, B ou C ou sur tous les projets d’acquisitions avec travaux de rénovation énergétique qui sont accompagnés par le Prêt Transition Logement au taux de 1,99 %.
Quels sont les prochains défis à relever pour votre banque ?
O.C. : L’accompagnement des projets immobiliers continue de se complexifier de par les contraintes environnementales (loi Climat et Résilience de 2021, réglementation sur la sortie des passoires énergétiques…) et l’instabilité des décisions publiques. En parallèle, nos clients attendent des conseils avertis, de la réactivité, de l’assistance, d’être rassurés, et bien sûr, les meilleures conditions ! Pour répondre à ce niveau d’exigence, nous renforçons l’expertise d’un panel de conseillers sur toute la Franche-Comté, nous investissons au développement du digital et nous développons des partenariats avec des Entreprises régionales pour accompagner les clients dans leur projet de rénovation énergétique de A à Z (définition du projet, demandes des aides publiques, financement et suivi des chantiers). Je citerais 3 exemples. Pour les particuliers qui se posent des questions quant aux orientations à prendre sur l’amélioration du confort énergétique de leur logement, rendez-vous sur notre plate-forme « J’Écorénove mon logement Crédit Agricole ». Pour les particuliers qui ont un projet de rénovation qui leur paraît complexe dans la mise en oeuvre, rapprochez-vous de votre agence de proximité qui vous orientera vers l’assistance d’un de nos Experts Habitat et Transition Énergétique. Enfin, sur le vaste sujet de la rénovation des copropriétés, pour lequel de nombreux concitoyens sont concernés, nous oeuvrons pour apporter une réponse globale de financement adaptée à l’échelle de la copro que nous espérerons opérationnelle courant de l’année 2026.
