À quelques jours du verdict dans l’affaire Péchier, les proches des victimes retiennent leur souffle. Comme les autres familles, celle de la Haut-Doubienne Laurence Nicod, décédée en 2016 d’un empoisonnement pendant son opération, attend le verdict avec fébrilité. Notamment sa fille, Charlotte Grosjean, 17 ans à l’époque des faits
C’est à dire : L’audience concernant le cas de votre maman Laurence Nicod a eu lieu les 20, 21 et 24 novembre. Comment avez-vous vécu ces moments ?
Charlotte Grosjean : Nous sommes venus nombreux assister à l’audience : mes grands-parents, ma tante, les cousines de ma maman, ma cousine, etc. J’ai réussi à témoigner longuement sans m’écrouler, en tenant bon et en regardant Frédéric Péchier en face. Ce dernier a reconnu que pour ma maman, ça a bien été un empoisonnement, même s’il continue à nier que c’est lui l’auteur. Cet élément a confirmé ce dont nous nous doutions déjà. Des produits comme le Tramadol ont été injectés sciemment dans le corps de ma maman alors que ce genre de produits n’avait rien à faire dans cette histoire. Elle a bien été empoisonnée, nous avons donc eu seulement un début de réponse à nos questions. Au fond de moi, j’étais sûr depuis le début que ma maman avait bien été empoisonnée.

Càd : Avez-vous pu vous faire une conviction sur la responsabilité de Frédéric Péchier au moment où vous avez témoigné à la barre ?
C.G. : Je sais que mon témoignage a été poignant, je crois que j’ai fait pleurer la présidente et certains membres du jury. Le fait de témoigner m’a beaucoup soulagée, j’ai pu parler d’une traite sans interruption, j’ai pu dire tout ce que j’avais à dire, y compris à M. Péchier. Il paraît qu’il était plutôt mal après mon intervention et je n’ai pas hésité à le remettre en place quand il parlait de ma maman en disant “l’autre.” "L’autre, elle a un nom et un prénom !" je lui ai répondu. Elle était une maman, une tata, une marraine, une cousine. Et pour moi, ma maman, c’était mon jardin secret. Aujourd’hui encore, j’essaie de me raccrocher à ça.
Càd : Vous retournerez au tribunal avant le verdict ?
C.G. : Oui, j’y retourne dès ce lundi et jusqu’à la fin de la semaine, je veux assister aux plaidoiries des avocats, et à l’énoncé du verdict.
Càd : Vous ne doutez plus de la culpabilité de Frédéric Péchier dans ces empoisonnements et notamment celui de votre maman ?
C.G. : Je lui accorde encore le bénéfice du doute jusqu’au jugement même si en effet on pense intimement que c’est bien lui qui a fait ça. Mais si le jugement lui est défavorable, il semblerait qu’il veuille faire appel. Parce que selon lui, selon sa famille, pourquoi devrait-il aller en prison puisqu’il n’a rien fait ?… Et s’il faisait appel, c’est reparti pour un ou deux ans d’attente avant un nouveau procès.
Càd : Vous avez eu assez de réponses pour pouvoir désormais faire votre deuil ?
C.G. : Est-ce que je pourrai faire le deuil un jour ? Ce n’est pas certain. Des gens me disent que ça fait neuf ans, que j’ai pu faire mon deuil. Ce n’est pas comme ça que ça marche. J’avais 17 ans quand je l’ai perdue, je l’appelais tous les jours. Il m’arrive souvent d’avoir des difficultés à la sortir des rêves que je fais au moment de me réveiller…
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Les derniers jours du procès
Le procès hors normes de l’ex-anesthésiste Frédéric Péchier aura duré plus de trois mois et demi, tenant en haleine de nombreuses personnes. Après les plaidoiries et les réquisitoires de l’avocate générale, les dernières plaidoiries des avocats de la défense notamment doivent avoir lieu le 15 décembre, avant de laisser les jurés délibérer. Ils ont jusqu’au 19 décembre au plus tard pour rendre leur verdict. Frédéric Péchier encourt la réclusion criminelle à perpétuité. n
