Sur une seule année, les techniciens du Doubs ont décortiqué dans leurs laboratoires près de 3 000 objets et analysé sur le terrain les indices laissés par près de 4 500 personnes. Un travail de fourmi.

Hôtel de police de Besançon, avenue de la Gare d’Eau, un après-midi d’avril. Il faut monter les étages, sous bonne escorte, longer les longs couloirs jusqu’à un petit bureau anonyme. C’est ici que travaille Elsa Meillet. Ingénieure de police technique et scientifique (P.T.S.), elle dirige une équipe d’une douzaine de femmes et d’hommes tous dédiés à la même cause : trouver le petit indice qui permettra de confondre l’auteur d’une infraction.
Sous la responsabilité du commandant Christophe Touris, le chef local de la police judiciaire, et de la commissaire Déborah Bouché, chef du service interdépartemental de police judiciaire (S.I.P.J.), Elsa Meillet supervise les recherches concernant tout type d’infractions. Du vol par effraction aux affaires les plus sensibles en passant par les homicides, la P.T.S. est sur tous les fronts : homicides, tirs, règlements de comptes, stupéfiants, féminicides… « Notre travail est de trouver les éléments matériels » résume la professionnelle arrivée à Besançon il y a une douzaine d’années et qui a gravi les échelons jusqu’à cette fonction d’ingénieure.
Quand une équipe de la P.T.S. se déplace sur le lieu d’une infraction, son premier travail est de « fixer la scène » avec des photos, des vidéos, au moyen de drones ou de scanners ultra-performants qui permettront ensuite de la visualiser précisément sur écran, grâce à des visites virtuelles à 360° rendues possibles par des logiciels de post-production auxquels sont également formés les techniciens. Les techniciens de la P.T.S. poseront aussi si nécessaire ces petits chevalets jaunes qu’on appelle des cavaliers pour indiquer les indices potentiels, notamment sur les scènes de crime.
Après la fixation de la scène, sa protection par des rubans de signalisation, vient le temps des prélèvements effectués par les techniciens, qu’ils conduisent ensuite au laboratoire. À Besançon s’il s’agit de détecter des empreintes digitales par exemple, dans d’autres laboratoires pour des analyses plus poussées comme la détection d’A.D.N. par exemple (en général le laboratoire d’Écully dans la région lyonnaise). Le plus souvent (dans 90 % des cas), l’équipe dirigée par Elsa Meillet est sollicitée par le service interdépartemental de la police judiciaire, les enquêteurs de la P.J. Les 10 % restants, ce sont des sollicitations directes de la justice.
Les analyses d’empreintes et d’A.D.N.
La P.T.S. est divisée en deux services bien distincts, chacun spécialisé dans des tâches précises. Le service intervention d’abord qui va gérer toutes les interventions sur le terrain et alimentera les fichiers de la police scientifique. « Dès qu’une personne est mise en cause, on réalise un prélèvement d’empreinte ou d’A.D.N. Les analyses d’empreintes se font ici. C’est un peu un jeu des 7 erreurs dans lequel il faut trouver au moins 12 points identiques quand on confronte deux empreintes, et aucune différence » décrit Elsa Meillet en pointant du doigt un écran d’ordinateur où apparaissent des points rouges correspondant aux 12 caractéristiques identiques. Pour croiser les informations, l’empreinte est envoyée au fichier automatisé des empreintes digitales (F.A.E.D.) où sont répertoriés 7 millions d’individus en France. Et l’émergence de l’I.A. dans tout ça ? « L’I.A. n’y arrive pas encore seule ! sourit l’ingénieure. En revanche, désormais l’I.A. permet de sélectionner 25 individus dans cet immense fichier et puis l’humain intervient à nouveau pour affiner le travail. »
Dans le laboratoire d’analyse de la P.T.S.
Le deuxième service de la P.T.S., c’est la section criminalistique conventionnelle. La spécialité de ces professionnels : révéler les traces papillaires. C’est-à-dire l’ensemble des traces laissées (souvent de manière involontaire) sur un support par l’apposition d’une zone de la peau présentant des crêtes papillaires. Il s’agit de la face interne des mains (zones digitales et palmaires) mais aussi des pieds (zones plantaires). C’est le rôle des techniciens qui travaillent dans le laboratoire accrédité par la C.O.F.R.A.C., installé dans les étages de l’Hôtel de police. Si les empreintes digitales ne parlent pas ou s’il faut pousser les analyses par des traces A.D.N., des résidus de tir ou des analyses balistiques, alors Besançon fera appel à une des 5 laboratoires de France équipés pour cet autre niveau d’investigations (Écully, Paris, Lille, Toulouse ou Marseille). L’A.D.N. est une technique encore plus performante : avec 200 traces A.D.N. dans une seule goutte de sang, la technique est devenue imparable. Un millionième de tissu suffit à déceler une trace A.D.N.
Quatre techniciennes et techniciens travaillent au quotidien dans le laboratoire de la P.T.S. à Besançon. Ces derniers reçoivent notamment une formation poussée en photographie. Un service disponible 7 jours sur 7 pour les enquêteurs et la justice.

Bluestar, Sperm tracker, les techniques de la P.T.S. évoluent
Une spécialiste de la P.T.S. nous montre les photos d’une scène de crime. En apparence, aucune trace de sang dans ces toilettes. Et pourtant. Bien vite, grâce à des produits comme le Bluestar, une formule chimique à base de luminol, on retrouve rapidement des traces de sang. Le Sperm Tracker lui, permet grâce à une technique semblable de retrouver la moindre trace de sperme sur une scène de viol.
Dans les cas criminels, les techniciens de la P.T.S. sont régulièrement appelés à se rendre à l’institut médico-légal où le médecin légiste pratique les autopsies. « En général, on apporte des éléments de contexte au médecin légiste pour qu’il affine son analyse. » Ils se rendent aussi sur les scènes de crime. « C’est difficile de se préparer à une scène de crime quand c’est la première fois. Pour former les jeunes, on utilise d’abord de la réalité virtuelle avant de les confronter à de vraies scènes. Mais on ne s’y habitue jamais » note Elsa Meillet. Pour cela, les équipes de la P.T.S. ont des psychologues à disposition si nécessaire.
Voilà le quotidien des spécialistes de la police technique et scientifique du Doubs. Sur le terrain comme au laboratoire, ils sont au service de la société. Un maillon essentiel dans la longue chaîne qui unit police et justice. Au nom de la vérité.