Cette réforme du mode de scrutin est loin de faire l’unanimité. Les réactions dans quelques communes rurales de moins de 1 000 habitants.
Consolation-Maisonnettes
Le maire découragé va peut-être raccrocher
Jean-Claude Joly, maire depuis 2014, a très mal pris ces nouvelles directives tombées d’en haut. Il a décidé de ne plus cotiser aux associations des maires ruraux et du Doubs
À Consolation-Maisonnettes, 28 habitants, c’est l’incertitude
Bienvenue à Consolation-Maisonnettes, son célèbre monastère, ses 28 habitants et ses 7 conseillers municipaux. Depuis le printemps, en apprenant que la loi électorale risquait de changer, le maire Jean-Claude Joly s’est immédiatement attelé à rechercher des bonnes volontés, hommes et femmes, pour poursuivre la tâche au conseil municipal à partir de mars prochain. Pour l’instant, en vain. On ne peut pas chercher la parité pour la parité. On ne cherche pas non plus des gens qui ne sont là que pour mettre des pots de fleurs. Ce qu’il nous faut, ce sont des gens disponibles, volontaires et qui ont le sens du collectif. C’est loin d’être évident dans une commune de 28 habitants dit cet élu qui boucle son septième mandat au service de cette commune du Val de Vennes. Le conseil municipal est actuellement composé de 5 hommes et de 2 femmes, dont une a démissionné en cours de mandat. Aujourd’hui, M. Joly, désabusé par le mépris de l’État envers les petites communes, explique avoir peur de faire le mandat de trop. Il a décidé de ne plus cotiser aux deux associations de maires du Doubs. Il hésite à raccrocher les gants, mais le sens du devoir collectif le poussera peut-être, si d’autres n’y parviennent pas, à repartir à la bataille pour un dernier mandat. S’il parvient à constituer une liste répondant aux nouveaux critères. Et si l’État arrête de nous prendre pour des serpillières sur qui il vient s’essuyer les pieds dit-il.
Lanans
Désabusé, le maire ne cache pas son amertume
Cette décision prise sans suffisamment de concertation irrite au plus haut point Dominique Perdrix, à la tête de Lanans, une commune de 170 habitants située dans le secteur de Sancey.
Lanans, 170 habitants, 11 futurs élues et élus à trouver
Ne se reconnaissant plus dans les décisions prises par l’Association des maires du Doubs, Dominique Perdrix a boycotté la dernière assemblée générale de l’instance. Il assistera sans doute à celle des maires ruraux du Doubs fin novembre, mais pour y manifester sa colère. “Cette réforme nous est imposée, sans qu’on n’ait notre mot à dire. Une nouvelle fois, on vient nous enlever un pan de la libre administration de nos communes. Je suis désabusé” commente le maire de Lanans (11 élus, dont 3 femmes).
Le système paritaire obligatoire ne correspond pas selon lui au fonctionnement d’une petite commune. “Quand on monte une liste, on vient chercher des appétences, des gens intéressés et là, on va obliger à choisir un homme et une femme en alternance juste pour présenter une liste complète, et pas en fonction des compétences. Je suis évidemment pour l’engagement des femmes mais il y a une réalité, hélas, où souvent l’activité du mari est plus rémunératrice et le choix des jeunes femmes n’est pas de s’impliquer dans les conseils municipaux. Y a-t-il la parité dans le nouveau gouvernement ? Même pas !” dit-il irrité.
Pour Dominique Perdrix, maire depuis 2016, cette réforme est faite pour inciter les petites communes, qu’elles soient volontaires ou pas, à se regrouper. “Le pire, c’est que cette réforme, on nous l’a passée en douce. J’avoue qu’on est vraiment désarçonnés à l’approche de ces prochaines municipales” soupire M. Perdrix qui malgré les incertitudes, semble vouloir tout de même repartir pour un nouveau mandat.
Publicité - Boostez vos ventes grâce aux bons cadeaux ckdo.pro
La Chenalotte
15 élus à trouver dont 7 femmes, une gageure
S’il n’est pas contre la réforme du mode de scrutin, Dimitri Coulouvrat, le maire de La Chenalotte, craint que la parité imposée ne rende compliquée l’élaboration d’une liste
Dimitri Coulouvrat, maire de La Chenalotte depuis 2023, se représente pour un nouveau mandat.
Déjà en 2020, il avait été difficile de boucler la liste de 11 élus. Six ans plus tard, deux autres facteurs importants s’ajoutent, rendant l’élaboration d’une liste pour les élections municipales encore plus compliquée. En premier lieu, l’augmentation du nombre d’habitants. La population communale ayant dépassé la barre des 500, le maire actuel Dimitri Coulouvrat table sur un futur conseil municipal de 15 élus. En second lieu, la réforme du mode de scrutin. Sur les 15 élus, il faudra trouver 7 femmes. On a rapidement fait un tour de table avec le conseil actuel, sept élus sont prêts à repartir dont 3 femmes, calcule le maire, qui souhaite se représenter. Il va falloir trouver quatre femmes, alors que cela avait déjà été compliqué de faire une liste complète en 2020. L’édile regrette un décalage entre la volonté de la réforme et la réalité. Plus de femmes dans un conseil municipal, c’est une bonne chose. Mais cela reste plus difficile pour une femme de se libérer de ses obligations, notamment familiales. Il y a encore le regard de la société. Le maire le sait : dans les prochaines semaines, le conseil va devoir solliciter la population avec un souhait, celui de réunir une liste complète d’ici la fin de l’année.
Élu en 2023, à la suite de la disparition de la maire élue en 2020 Brigitte Ligney, Dimitri Coulouvrat (45 ans) veut continuer à s’investir pour la commune. Il convient toutefois d’une charge mentale décuplée, du temps pris sur du temps personnel. Même en vacances, on ne décroche jamais. Face à l’épuisement de certains élus, parfois victimes d’agressions, Dimitri Coulouvrat tient encore bon.
Publicité - Devenez annonceur dans le journal C'est à dire
Les Gras
L’après Bernard Jacquet ne se dessine pas encore
Le départ annoncé du maire Bernard Jacquet renforce les incertitudes en vue des prochaines municipales, d’autant que personne ne s’est encore manifesté pour prendre la suite.
Bernard Jacquet ne briguera pas de nouveau mandat à la tête de la commune des Gras (photo archive Càd).
“C’est rien si j’avais 6 ans de moins !” sourit Bernard Jacquet dont l’envie de continuer à s’investir est intacte. Mais à 73 ans, le maire sortant des Gras a fait parler la raison. “Si je repartais, j’aurais 80 ans à la fin du mandat, ce n’est pas raisonnable.” Aux Gras, donc, la place est libre et même les places puisque sur les 11 conseillers municipaux restés en poste (trois démissions et un élu systématiquement absent ont émaillé le mandat), aucun ne semble vouloir repartir. Avec le nouveau mode de scrutin, c’est donc un casse-tête de plus qui se profile dans la commune du Val de Morteau (un peu plus de 800 habitants). “Déjà trouver 15 noms, ça risque d’être compliqué pour mes successeurs, trouver 8 femmes et 7 hommes ou alors 7 femmes et 8 hommes, ce sera sans doute un vrai casse-tête” juge le maire sortant dont le conseil actuel était composé de 4 femmes. Pour Bernard Jacquet, la règle du panachage était la bonne. “Ce système permettait de choisir les meilleurs dans chaque liste quand il y en avait plusieurs. Là, toutes les communes seront obligées de faire des listes complètes, je pense que ce sera de plus en plus difficile de trouver des candidats” prédit le maire sortant.