Pendant les huit ans de procédure, Willy Graff, journaliste à L’Est Républicain a suivi l’affaire Narumi, ses rebondissements judiciaires, ses doutes, les discrètes émotions de la famille de la Japonaise disparue. Il a souhaité en faire un livre pour garder une trace de ce fait divers hors normes.
Il l’avoue facilement : l’affaire Narumi l’a un peu obsédé. « J’étais un peu hanté par le fantôme de Narumi », confie Willy Graff. Le journaliste bisontin chez nos confrères de L’Est Républicain a suivi pendant huit ans chaque rebondissement de la disparition de l’étudiante japonaise. Il a consacré près de 200 articles à cette affaire hors normes. De ce fait divers au long cours, il en a écrit un livre « L’affaire Narumi. Un crime sans corps (éditions Presses de la Cité) », paru début juin.
« Ce fait divers est différent de ce qu’un journaliste régional a l’habitude de traiter : la dimension internationale, une victime japonaise, un mis en cause chilien, huit ans de procédure, trois continents, une extradition, l’aspect crime sans corps. La question s’est posée : peut-on condamner quelqu’un sans le corps de la victime ? Et surtout, le mystère qui reste, la plaie reste ouverte », souligne Willy. Si ce livre est une « décharge mentale », « un besoin de poser sur le papier » son vécu, il est aussi l’occasion de rendre « hommage aux policiers et magistrats, des gens passionnés qui essaient de faire les choses bien. » Une manière aussi de garder une trace tangible de l’affaire. « J’avais besoin qu’il en reste quelque chose. Un livre, ce n’est pas comme un article de presse où une actualité en chasse une autre. »
Professionnel de la plume journalistique, Willy Graff a découvert le monde de l’édition et une autre façon d’écrire. « J’ai relu mes articles pour me remettre dans le bain mais je n’ai pas repris des passages. Il fallait raisonner autrement, avec des chapitres courts très anglés. Moi, je voulais être exhaustif. Carole mon éditrice m’a aidé à retenir les choses les plus signifiantes. J’ai essayé de rendre le récit vivant, dynamique, punchy. » Publié dans la collection Intime Conviction, Willy Graff a pu sortir de son rôle de journaliste en glissant son ressenti sur l’affaire. « Parfois, je m’engage. »

Reste que le journaliste a évolué sur un fil car il est tenu par la présomption d’innocence de Nicolas Zepeda, suspecté du crime. Juste avant la parution du livre qui a nécessité un travail de deux ans, la décision de la cour de cassation d’annuler la condamnation du Chilien en appel a amené Willy à remanier certaines parties du livre.
Mordu par l’écriture de livre, il ne s’interdit rien à l’avenir et aimerait en écrire d’autres. Pourquoi pas sur l’affaire Péchier, cet anesthésiste accusé d’empoisonnements présumés sur des patients ? En attendant, Willy Graff sera présent à Livres dans la boucle. Son livre est disponible en librairie et sur Internet.