L’opposition départementale s’insurge contre ce qu’elle nomme une “politique de saupoudrage économique” au profit d’entreprises qui n’en auraient pas besoin et au détriment du social. Des entreprises du Haut-Doubs sont visées.
Lors de la dernière séance publique du Conseil départemental, puis à nouveau en commission mi-avril, le groupe Doubs social écologique et solidaire par la voix de son leader Raphaël Krucien s’est insurgé contre la politique d’aide publique décidée par le Département du Doubs présidé par Christine Bouquin en faveur des entreprises du Doubs, à l’heure où cette même collectivité confirmait la baisse de 250 000 euros au budget du social et la suppression induite de 12 postes sur les 38 éducateurs de rue de l’A.D.D.S.E.A. qui assure le premier maillon de la protection de l’enfance.
« Abandonner comme cela la prévention est une erreur fatale alors que c’est le seul moyen d’empêcher les jeunes de tomber dans les problèmes. Ce qu’ils ne trouveront plus dans le milieu familial, ces jeunes iront le trouver ailleurs. La prévention est un investissement social gagnant qui évite d’autres dépenses plus tard si ces mêmes jeunes tombent ensuite dans les dispositifs de protection judiciaire de la jeunesse qui coûteront beaucoup plus cher. Cette sanction contre l’A.D.D.S.E.A. est inadmissible et pendant ce temps-là, la majorité préfère financer des S.C.I. » déplore Raphaël Krucien.
À quoi fait référence l’élu de gauche dans ses critiques en opposant aides sociales et soutien à l’économie locale ? À de nombreux dossiers de soutien financier à des entreprises du Doubs que l’opposition trouve choquant d’aider. « Comment Madame Bouquin et ses équipes peuvent-ils justifier le versement de 50 000 euros à un gros affineur de comté pour accroître sa capacité de stockage de 30 000 meules ? De 14 500 euros à la S.C.I. d’un agent immobilier de Morteau pour l’aider à acheter son local ? De 50 000 euros à une fruitière qui collecte 2,9 millions de litres de lait par an ? De 47 500 euros à une entreprise dentaire pour la création d’un cabinet, dans ce cas aussi, via une S.C.I. ? ou encore de 50 000 euros à une entreprise sous-traitante de l’industrie du luxe qui génère un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros et qui a rendu millionnaire son actionnaire unique ? » s’interroge l’opposition.
Une récente commission permanente prévoyait d’octroyer une aide de quelques dizaines de milliers d’euros à une autre entreprise, de Grand’Combe-Châteleu cette fois-ci, « alors que cette même entreprise a versé l’an dernier 2,4 millions d’euros à trois de ses actionnaires ! » poursuit le groupe D.S.E.S. Ce même groupe d’opposition avait pourtant voté en faveur de la possibilité offerte au Département d’octroyer des aides à l’économie du territoire. « Aider le développement économique des petites entreprises et du petit commerce, oui, mais soutenir aussi souvent des S.C.I., non ! » réaffirme Raphaël Krucien.

L’opposition départementale souhaiterait que le Doubs s’inspire d’un département comme la Haute-Loire, pourtant tenu par la droite, lequel a décidé d’assortir les éventuels soutiens financiers aux S.C.I. du département à leur obligation de baisser les loyers des entreprises qu’elles hébergent. « Ici dans le Doubs, il n’y a aucune contrepartie quand on soutient financièrement une S.C.I., ce n’est pas admissible » prétend le groupe d’opposition qui menaçait de porter les prochaines délibérations prises par la collectivité départementale sur ce thème devant le tribunal administratif.
Au total, le programme « développement économique 23-26 » permettant de distribuer ces aides financières aux entreprises du Doubs est doté d’une enveloppe de 3,7 millions d’euros.
Quelques-unes des entreprises locales aidées
Des dossiers d’aides que dénonce l’opposition départementale, estimant que ni les S.C.I. ni la filière comté n’auraient besoin de toucher de l’argent public pour se développer.
- La S.C.I. A.B. Immo à Morteau. Son gérant a acheté le local jusqu’alors occupé avant par l’entreprise Haut-Doubs Créer Bâtir avenue Charles de Gaulle à Morteau. Pour cette opération d’un coût de 265 333 euros, le Département du Doubs a apporté une aide à hauteur de 14 531 euros.
- L’entreprise Silvant à Damprichard. Spécialisée dans la fabrication de pièces métalliques à destination des grandes maisons de luxe françaises et européennes dans les domaines de la maroquinerie, la bijouterie, l’horlogerie, les instruments d’écriture et les arts de la table, entre autres. Le groupe Silvant emploie plus de 300 salariés sur trois sites. Un bâtiment de 6 500 m² situé sur la zone d’activité de Maîche, acquis en 2019 par Silvant devait faire l’objet d’une rénovation et d’un réaménagement en cohérence avec les normes environnementales. Pour accompagner sa croissance, le groupe a également lancé la construction d’un second bâtiment sur le même site, d’une superficie de 2 500 m². Pour cet investissement lourd, le Département du Doubs a voté une aide de 50 000 euros à l’entreprise Silvant.
- La société coopérative La Fruitière de Cerneux-Monnot à Bonnétage. La fruitière de Cerneux-Monnot collecte environ 2,9 millions de litres de lait par an auprès de 12 exploitations. Elle fabrique un peu plus de 7 000 meules chaque année. La fruitière avait le projet de rénovation de son atelier de fabrication et de ses chambres froides pour le magasin et l’expédition. Au total, un investissement de plus de 3,3 millions d’euros. Pour cette coopérative, le Département a apporté une aide de 50 000 euros.
- La Fromagerie Marcel Petite aux Granges-Narboz. La Fromagerie Marcel Petite souhaitait engager des travaux de réhabilitation complète d’un bâtiment industriel des années 1950, actuellement en friche, pour développer une infrastructure d’affinage de fromages. Par ce projet, l’entreprise devait pouvoir accroître sa capacité de stockage et d’affinage de fromages (jusqu'à 30 000 meules supplémentaires), en complément de ses deux sites actuels (Granges-Narboz et Fort Saint-Antoine). Pour cette opération globale, elle a reçu un coup de pouce de 50 000 euros de la part du Département.