L'hommage de Jean Piranda à des jeunes de son village.

En découvrant un carnet de notes détenu par son papa, Jean Piranda dévoile comment des jeunes ont quitté Surmont, Provenchère et Belleherbe pour fuir les Allemands à vélo en juin 1940. Un périple de 445 km que le fils retrace en hommage à son père et aux enfants du pays.

Jean Piranda avec le journal de bord de son papa écrit il y a 81 ans lors de la débâcle de juin 1940.

81 ans plus tard, le carnet au format 7 x 12 cm est intact, comme s’il venait d’être refermé. Les pages ne sont pas écornées, l’écriture au crayon de papier parfaitement lisible. Depuis la terrasse de sa maison située à Surmont, Jean Piranda manie avec précaution ce calepin riche des informations qu’il recèle. Il l’a ouvert au lendemain du décès de son papa et avec lui la boîte aux souvenirs : Je l’ai découvert par hasard dans une commode de la maison de mes parents que je vidais après le décès de mon papa, en juillet 2017, raconte Jean. J’ignorais totalement son existence même si mon papa et mes deux oncles nous avaient déjà parlé de leur fuite à vélo pour échapper aux Allemands. Il faut s’imaginer le stress de cette bande de jeunes qui décide de quitter leur village à vélo pour se retrouver au milieu des fuyards et des soldats sur les routes” poursuit le fils, 77 ans.
Le livret de bord tenu par Xavier Piranda a la particularité de narrer un pan d’histoire locale méconnu : la débâcle de juin 1940 vécue par des jeunes de Surmont, Provenchère et Belleherbe. À l’époque des faits, Xavier Piranda, le père de Jean, a 20 ans. Ses deux frères Charles et Louis ont respectivement 18 et 17 ans. Un après-midi du dimanche 16 juin 1940, alors qu’il rentre de Sancey, Xavier Piranda écrit dans son livre “qu’il faut partir immédiatement.” Pour quelle raison ? Fuir les Allemands, évidemment. Il explique partir avec “1 000 francs pour nous trois.”
Après avoir dit au revoir à ses parents et à son oncle Albert Courgey, alors maire, “nous rejoignons les Provenchère” écrit-il dans son calepin tenu quotidiennement. Au total, ils seront quatorze avec pour seul objectif de partir le plus loin possible. Direction l’Auvergne. Au final, treize jeunes gens montent sur le vélo, ainsi qu’un prêtre : Xavier, Charles, Louis Piranda, Gilbert, Xavier Vuillier-Devillers, Claude Cuenot, Justin Henriet de Surmont, Georges Schelle, Eugène Vieillard, Robert Dubois, Robert Neuvemaison, Chopard (la Fricassée - Belleherbe) de Provenchère, Oneste Mauvais (ferme du Roz) et l’abbé Pierre Guillin rejoint à Avoudrey. “Notre père avait souvent évoqué cet épisode qui a marqué sa jeunesse sans que nous ayons des détails sur l’itinéraire emprunté, sinon le lieu d’arrivée. Avec le calepin, tout est précisé. Il faut remettre cela dans son contexte : c’était la guerre, les routes n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, les vélos non plus, et la plupart de ces jeunes n’avaient jamais quitté le pays si ce n’est pour aller au conseil de révision à Clerval ou au mieux à Besançon commente Jean Piranda, qui coule une retraite paisible dans sa maison de Surmont après avoir été professeur des universités à Besançon.
En sept étapes, les jeunes parcourent 445 kilomètres pour arriver le 25 juin à Saint-Alban en Lozère. Ils apprennent que la guerre est finie et reprennent le 26 juin le chemin inverse. Une fabuleuse histoire retranscrite dans sa totalité dans le livre “Sancey, son Vallon, ses environs, un regard sur le passé (pages 129 à 133)” publié par Jean-Marie Vivot. Le 3 juillet 1940, tous sont de retour. Sains et saufs.
Jean Piranda accompagné de son épouse a tenu à reprendre l’itinéraire choisi par son aïeul en camping-car. Son seul regret : n’avoir pas pu emmener son papa.

À lire : “Sancey, son Vallon, ses environs, Un regard sur le passé”, mai 2021 - tome II par Jean-Marie Vivot, association Cyber Sancey.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Bisontine
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