Eldorado pour certains, le travail en Suisse peut vite se transformer en cauchemar quand il se termine comme l’a vécu Jérôme Vivot, originaire d’Orchamps-Vennes.
Si on voulait faire un mauvais jeu de mots, on dirait que Jérôme vivote depuis plus de trois ans. Cet ancien travailleur frontalier touché par une grave maladie se retrouve bien démuni. Jérôme Vivot a en effet été remercié de manière expéditive par son employeur alors qu’il se remettait d’un cancer. « L’entretien s’est passé en visio avec mon employeur et le service ressources humaines de la Coop. Le patron a juste fait un signe les bras en croix devant lui pour signifier, sans dire un mot, qu’il mettait fin à mon contrat. J’ai quitté la Suisse aussitôt » raconte-t-il sans cacher son émotion.
Couvert par l’assurance-maladie, il perçoit actuellement un peu plus de 1 000 euros par mois, bien loin évidemment de son ancien salaire. Jérôme Vivot a démarré sa carrière en Suisse dès 1988, il n’avait même pas 20 ans. Titulaire d’un diplôme en horticulture, il travaille d’abord dans ce secteur d’activité pour un paysagiste vaudois, avant de devenir chauffeur, puis de bifurquer dans la construction de routes et de terminer sa carrière dans une grande surface de La Chaux-de-Fonds. Des métiers manuels, souvent pénibles, qui lui provoqueront les maux dont il souffre depuis quelques années.
« Tout le monde parle de l’eldorado suisse mais personne ne parle des accidents de la vie durant sa carrière professionnelle. Le travailleur frontalier vit bien tant que la santé va ! Si sa santé se dégrade, ça devient très compliqué » témoigne le quinquagénaire installé à Valdahon.
Depuis son licenciement sec, il a donc perdu plus de 40 000 euros de revenus, et « la Suisse m’a bien laissé tomber après tant de bons et loyaux services » déplore-t-il. C’est en 2019 que sa vie professionnelle bascule après la découverte d’un lymphome de Hodgkin qui vaut à Jérôme Vivot de longs mois d’hospitalisation et de chimiothérapie. En rémission, il tente de reprendre le travail un an plus tard, mais à temps très partiel. « Mon chef n’a plus voulu de moi dès lors que je ne pouvais plus travailler à plein temps. Ils m’ont fait signer un papier et à partir de ce moment précis, vous n’avez plus rien à voir avec la Suisse, pas de pension d’invalidité, pas d’indemnités. Je suis donc allé m’inscrire à Pôle Emploi. » Jérôme Vivot touchera des indemnités chômage dégressives pendant deux ans, mais dans l’incapacité physique de reprendre un emploi à temps, il fera juste quelques missions de travail temporaires en France, avant de devoir renoncer définitivement à travailler. L’ancien frontalier a dû se résoudre à vendre sa maison, il n’est pour l’instant pas éligible aux A.P.L. pour son petit appartement de Valdahon et à 57 ans, il devra attendre encore huit ans avant de pouvoir prétendre bénéficier de sa retraite suisse. « En attendant, je vis de quoi ? » s’interroge-t-il, contraint de puiser dans les quelques réserves qu’il s’était constituées au temps où il gagnait correctement sa vie.
Opéré du dos, puis plus récemment des intestins, il passe encore beaucoup de temps à l’hôpital. « Certaines personnes pourraient penser que je ne fais pas d’effort pour retravailler, mais j’en suis bien incapable ! » déplore M. Vivot qui dit faire à grand-peine les 500 mètres à pied qui séparent son domicile de la grande surface voisine. S’il a souhaité témoigner, c’est pour illustrer les difficultés que pourraient rencontrer des travailleurs frontaliers souvent enviés, mais dont le statut ne les protège pas toujours des accidents de la vie. « Quand tu as 30 ans et que tu es en bonne santé, la Suisse, c’est très bien. Mais si tu as un pépin de santé, le cercle infernal peut s’enclencher très vite… »

