L’ancien prêtre a été décoré de l’ordre de la Légion d’honneur pour saluer toute une vie d’engagement pour l’accueil des autres. C’est lui qui avait organisé dans les années soixante-dix l’accueil de centaines de réfugiés asiatiques fuyant la dictature

« Je ne regrette rien ! » affirme avec force le père Claude Gilles du haut de ses 102 ans qu’il fêtera le 4 juin. Dans son petit appartement de Planoise, l’ancien prêtre de la paroisse Saint-François d’Assise n’est pas seul. Il est encore entouré de livres, de journaux et de magazines pour suivre, toujours, l’actualité et les vicissitudes d’un siècle qu’il a traversé et dont il a écrit quelques belles pages. Et régulièrement viennent lui rendre visite, outre son neveu, quelques-uns des membres de la communauté asiatique locale pour l’aider dans son quotidien.

Dans son petit appartement de Planoise, le père Claude Gilles a accroché une médaille de plus en reconnaissance des actions qu’il a menées tout au long de sa vie au profit de l’accueil des migrants.

C’est bien une vie entière tournée vers les autres que l’ordre national de la Légion d’honneur a mise en lumière fin janvier dernier en décorant l’homme d’Église de cet insigne, la plus prestigieuse distinction de la Nation. Sous les mots de Claude Jeannerot, président de la section du Doubs de la Légion d’honneur, le long parcours du père Gilles a été retracé, la vie d’un homme « dont le nom résonne pour longtemps encore dans ces lointaines contrées d’Asie qui n’oublient pas. Votre héritage ne mourra pas » a-t-il assuré dans son discours. En témoignait ce jour-là la présence autour du récipiendaire de nombreux représentants de la communauté asiatique que Claude Gilles avait accueillis à bras ouverts lorsqu’il était curé de Planoise.

L’église Saint-François d’Assise a subi il y a deux ans de gros dégâts internes avec l’effondrement d’une poutre centrale. Le bâtiment est voué à la démolition. Le Diocèse est en train de choisir un nouveau projet architectural pour la reconstruire dans quelques années.

Cette période-là, et dès les années quarante, sa découverte avec l’Asie, le religieux s’en souvient avec acuité. C’était au sortir de la Seconde guerre mondiale. La France, encore sonnée par six ans de guerre, est engagée dans une autre partie du monde où d’autres horreurs se répéteront : l’Indochine. Nous sommes en novembre 1945, Claude Gilles est envoyé là-bas. « J’étais soldat en Allemagne. J’ai rejoint directement Marseille où j’ai embarqué sur un bateau qui s’appelait le Taos Victory » se souvient-il. Pendant un an, il sera confronté aux horreurs d’une guerre absurde et reviendra marqué à jamais par ces contrées qui forgeront à jamais son caractère. « Je suis retourné dans les années suivantes 25 fois en Thaïlande, en Indonésie ou dans d’autres pays dans des camps de réfugiés. J’y apportais de l’argent que les familles de Besançon m’avaient donné pour distribuer là-bas. Je cachais l’argent dans mes chaussettes ou sur le torse » rappelle l’homme d’Église qui avait été ordonné prêtre au printemps 1950. « J’ai été nommé en 1950 pendant 13 ans curé de Saint-Claude, puis pendant 7 ans curé de Deluz-Laissey. Avant d’être nommé en 1970 curé de Planoise. » Le premier mandat que lui confie alors l’archevêque de l’époque est de construire une nouvelle église dans ce quartier alors en plein développement. Fin 1972, l’église Saint-François d’Assise était inaugurée.

Publicité - Boostez vos ventes grâce aux bons cadeaux ckdo.pro

Les années soixante-dix marqueront alors l’apogée de son engagement. « Quand en avril 1975 Phnom Penh est prise par les Khmers rouges et le 30 avril Saïgon par les communistes du nord Vietnam, vous vous sentez personnellement concerné. Car ces étrangers ont pour vous un visage : ils sont ces étudiants asiatiques habitant Planoise et devenus tout à coup réfugiés fuyant le Vietnam, le Laos et le Cambodge » a rappelé Claude Jeannerot dans son allocution.

En tant que curé de Planoise, le père Claude Gilles organise alors la solidarité. Il crée en lien avec la Ville de Besançon l’association franc-comtoise pour l’accueil des réfugiés et se voit confier par l’archevêque Marc-Armand Lallier à la fin des années soixante-dix la Pastorale des migrants, qui existe encore aujourd’hui.

De sa longue vie tournée vers l’accueil des autres, le père Claude Gilles a laissé plusieurs témoignages regroupés dans des livres. À l’heure où le monde se barricade contre les migrants, le témoignage laissé par cet homme affaibli par le poids des âges donne matière à réfléchir. À bientôt 102 ans et malgré les affres de l’âge provoquant quelques sautes de mémoire, Claude Gilles tient à rester connecté au monde qu’il a vu évoluer. Tous les jours d’ailleurs, il se rend au volant de sa voiture faire ses courses du côté de Saint-Ferjeux, et rien ni personne ne pourrait l’en dissuader. Comme un pied de nez au temps qui passe, le père Gilles semble doté d’une force inépuisable.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Bisontine
Abonnez-vous en ligne en quelques clics
Abonnement La Presse Bisontine