Le ralentissement du marché de l’immobilier est largement confirmé par les banques régionales. L’éclairage de Sylvie Rodier, la directrice des crédits et de l’immobilier au Crédit Agricole Franche-Comté.

La spécialiste estime qu’on “ne peut pas parler de crise de l’immobilier car la demande reste très soutenue.” (photo C.A.F.C.).

C'est à dire : Comment se porte le marché du crédit immobilier dans notre région ?
Sylvie Rodier
: Comme dans de nombreuses régions, le marché de l’immobilier a fortement ralenti sur les derniers mois. La hausse des taux d’intérêt, les contraintes H.C.S.F. (encadrement des normes d’endettement par le Haut Conseil à la Stabilité Financière) toujours restrictives, le pouvoir d’achat affecté par l’inflation, et les contraintes environnementales pesant sur les transactions et la location, ont conduit les acquéreurs à revoir leur projet, ou à les reporter. Parallèlement, les vendeurs, encouragés par la raréfaction des biens à louer et à vendre, tardent à revoir à la baisse le prix de leur bien. On estime la baisse des prix sur les derniers mois de l’ordre de 7%,mais avec une forte disparité sur le territoire franc-comtois, et selon la qualité des biens. Selon nos sources nationales, le marché progresserait sur un an de 3,3%, mais le marché franc-comtois, toujours en retrait par rapport au niveau national, ne progresserait en 2023 que d’1,3 %.

Càd : Des secteurs (peut-être le Haut-Doubs) résistent-ils un peu mieux ?
S.R.
: Oui, dans notre région, la zone frontalière et les secteurs du Haut-Doubs restent très prisés et attractifs, et les transactions se poursuivent à valeur équivalente même si on constate une durée plus longue de concrétisation. À noter que les programmes neufs sur les zones frontalières du Haut-Doubs se vendent rapidement et restent en nombre insuffisants à la demande.

Càd : Quelle a été l’évolution des crédits immobiliers depuis un an ?
S.R.
: Les crédits immobiliers ont chuté de 40 % par rapport à l’année dernière qui était une année record. Le premier facteur de ralentissement a été la remontée des taux, qui ont triplé, même si par rapport à l’inflation ils restent cohérents et mesurés, mais sa brutalité a surpris et la capacité d’emprunt en ressort fortement affectée. L’encadrement du crédit par les normes H.C.S.F. oblige à plus d’apport sur les projets, excluant une partie des acquéreurs et notamment primo-accédants qui démarrent dans la vie. Enfin, l’accompagnement de la transition énergétique, et la responsabilité du banquier dans cette démarche, accroissent les coûts d’acquisition, mais de nombreuses mesures d’accompagnement existent et le Crédit Agricole Franche-Comté se mobilise fortement pour être un acteur majeur de cette transformation.

Càd : Quel est le volume global des prêts accordés par le Crédit Agricole Franche-Comté ?
S.R.
: Nous avons conservé notre part contributive de l’ordre de 30 % dans les montants accordés.

Càd : L’accès à l’emprunt est-il encore possible pour les primo-demandeurs ou pour les personnes sans apport ?
S.R.
: L’accès est toujours possible pour les primo-demandeurs et est encouragé par l’État même, mais la condition d’apport est un incontournable aujourd’hui. Des dérogations existent et sont autorisées à la marge par la réglementation.

Càd : Les taux d’intérêt ont-ils atteint leur point haut selon vous ?
S.R.
: L’inflation reste à des niveaux qui ne satisfont pas la B.C.E., la liquidité restera encore tendue, et en conséquence les taux d’intérêt devraient encore poursuivre leur remontée mais de façon très mesurée et beaucoup plus lente.

Càd : Avec la hausse des taux, devenir propriétaire est-il toujours un “bon plan” ?
S.R.
: Le patrimoine immobilier tient toujours une place importante Dans le patrimoine des Français et reste sur la durée l’un des deux premiers placements les plus rentables. Le rendement moyen de l’immobilier sur 10 ans est de l’ordre de 7 % annuel, tout immobilier confondu (professionnel, locatif...). Par ailleurs, même si les prix au m2 peuvent paraître élevés compte tenu de leur croissance depuis deux ans, ils restent cohérents compte tenu des surcoûts liés aux exigences environnementales et climatiques.

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Càd : Peut-on dès lors parler de crise de l’immobilier ?
S.R.
: Pour l’heure, on ne peut pas parler de crise de l’immobilier car même si les prix baissent légèrement, la demande sur le territoire national et franc-comtois reste très soutenue avec toujours des niveaux d’offres de logement inférieurs aux demandes.

Càd : Comment se présente la fin d’année 2023 ?
S.R.
: Le marché restera très attentiste et donc les crédits habitat resteront en retrait. Néanmoins, le financement des travaux de rénovations énergétiques augmentera, mais les montants sont nettement inférieurs aux acquisitions et constructions.

Càd : Entrevoyez-vous des signes positifs ?
S.R.
: Le ralentissement de la hausse des taux, la pénurie de biens, le zéro artificialisation des sols raréfiant le foncier et les exigences en matière d’accompagnement à la transition énergétique sont des facteurs bien réels d’un avenir certain et porteur pour l’immobilier.