Dans le Haut-Doubs comme ailleurs, les ornithologues n’en finissent plus de voir les populations d’oiseaux se raréfier. Activités humaines, prédations, réchauffement climatique, épidémie… La situation est grave. Certaines espèces sont en grand danger alors que d’autres se remplument.
Même s’il a passé le relais à la présidence de l’association des Gazouillis du plateau en 2021, Noël Jeannot plaide toujours la cause de la gent ailée, notamment avec les conférences “Z’oiseaux” qu’il anime dans le cadre de l’Université ouverte de Franche-Comté. Ce sera d’ailleurs le cas le 1er février à 20 heures au café associatif de l’Écolette au Bizot.
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“Cela fait plus de 35 ans que je participe à des comptages d’oiseaux ou que j’effectue mes propres observations toujours aux mêmes endroits. Je m’arrête cinq minutes et je note tout ce que j’entends comme chants d’oiseaux et tout ce que je vois. De cette expérience, je constate un appauvrissement global du nombre d’oiseaux. J’observe toujours les mêmes espèces mais c’est la quantité qui diminue. Je pense par exemple au pinson des arbres dont l’effectif a baissé de 16 % en 30 ans.”
La tendance se vérifie à l’échelle européenne où le nombre global d’oiseaux a diminué de 500 millions par rapport à la situation en 1980. En pourcentage, cela représente une baisse de 18 %. Les spécialistes prévoient que 25 % des espèces auront disparu d’ici 2050 à l’instar du courlis à bec grêle dont les dernières observations humaines remontent à 1991.
Toutes les espèces et les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. “Dans l’Atlas des oiseaux nicheurs en Franche-Comté, 40 % des espèces identifiées sont en danger” note le spécialiste. Les oiseaux subissent de plein fouet l’impact des activités humaines : intensification de l’agriculture, urbanisation, pollution, chasse, dérangement, prédation. 75 millions d’oiseaux succombent entre les griffes des chats chaque année en France.
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Le dérangement humain est loin d’être anodin. Plus de 34 millions de personnes sortent régulièrement dans la nature pour faire du sport, de la cueillette ou tout simplement se promener. C’est sans doute le dérangement humain associé au réchauffement climatique qui sonnera le glas du Grand Tétras dans le massif jurassien. L’intensification de l’agriculture a largement contribué à la disparition des haies.
“On en détruit toujours plus qu’on en replante. Il faut attendre près de 30 ans pour observer l’efficacité écologique d’une haie où il est nécessaire de trouver des gros arbres.”
Toujours au sujet du dérangement, des études sur les chemins de randonnée en forêt de Chaux montrent que le dérangement impacte la biodiversité sur des bandes de 15 m de part et d'autre du sentier. Les migrateurs paient aussi un lourd tribut lié au maintien de certaines chasses traditionnelles.
“Entre 30 000 et 90 000 rouges-gorges sont pris à la glu chaque année. Dans les pays du Maghreb, on capture encore des oiseaux pour les mettre en cage. Ces espèces sont plutôt jolies à voir et chantent bien. Je pense par exemple au chardonneret élégant.”
Le dérèglement climatique se répercute sur des oiseaux qui nichent à terre. Face au stress climatique, des arbres ont tendance à réagir en faisant de grosses fructifications surnommées les “paissous” par les forestiers. Ce phénomène attire toutes sortes d’animaux, des rongeurs, des prédateurs qui finissent par s’installer durablement et s’en prennent aussi aux nichées d’oiseaux.
D’autres facteurs d’origine humaine contribuent à affaiblir les populations : empoisonnement, collision avec les véhicules, pollution lumineuse, grippe aviaire… Se méfier aussi du rôle de certains oiseaux plus utiles qu’on ne veut bien le croire.
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Classé parmi les espèces nuisibles, on parle aujourd’hui d’espèce susceptible d’occasionner des dégâts, le geai des chênes a la fâcheuse habitude de faire des provisions un peu partout, qu’il ne retrouve pas forcément mais s’avèrent finalement fort utiles pour aider les forêts à se régénérer naturellement.
Une autre étude de l’O.N.F. montre que son action favorise la montée en altitude des plantes et arbres de plaine. Pour Noël Jeannot, la disparition du courlis à bec grêle n’est que le début d’un mouvement qui n’est pas près de s’arrêter. “Avant, j'observais beaucoup de courlis cendrés qui nichaient dans les zones humides du Haut-Doubs. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui. En 2023, il avait fait l’objet d’un moratoire pour ne plus être la proie des chasseurs pendant deux ans mais je ne suis pas sûr que le dispositif soit prolongé”, se désespère l’ornithologue de Charquemont.
Autre note d’espoir dans cette symphonie morbide, le cas de la tourterelle des bois dont les effectifs ont progressé de 25 % depuis qu’elle est protégée. Cette mesure a toujours des effets positifs sur les populations. Elle a favorisé le retour des rapaces notamment qui sont protégés depuis 1972. Les buses, milans ont retrouvé leur place dans le ciel du Haut-Doubs.