Comme un rituel automnal immuable, la chasse a rouvert dans le Haut-Doubs. Avec ses adeptes, de moins en moins, et ses détracteurs, ce loisir fait toujours partie des traditions rurales bien vivaces. Que dit-il de notre société actuelle dans laquelle le respect du vivant est une valeur devenue cardinale ? Dans ce dossier, les partisans de la chasse comme ses opposants et les naturalistes ont la parole. Pour mieux appréhender un loisir qui a toujours existé, mais dont les pratiques et les règles d’encadrement ont su évoluer.

Les Fins - L’A.C.C.A. en chasse de gibier

Dans le Val de Morteau comme partout ailleurs dans le département, la saison de chasse s’est ouverte le 14 septembre et se terminera le 28 février. Aux Fins, les chasseurs constatent d’année en année une baisse du nombre de gibier.

En ce dimanche 14 septembre, plutôt ensoleillé, les chasseurs de l’A.C.C.A. (association communale de chasse agréée) des Fins ont à nouveau pu arpenter les 1 600 hectares que compte le territoire de chasse. Si ce jour-là, les chasseurs n’ont "rien fait", comprendre, ils n’ont vu ni tué de gibier, Samuel Billod-Laillet, le président de l’association, n’en est pas moins heureux. “On a entendu nos chiens chasser, on a passé une belle matinée.” L’homme de 45 ans chasse depuis bientôt 30 ans et assure la fonction de président depuis 15 ans. Ce qu’il aime : être dans la nature, voir travailler ses chiens - “sans chien, pas de chasse” - les copains de chasse, “c’est un tout.” Les 35 chasseurs membres de l’A.C.C.A. sont répartis en trois équipes. Et contrairement à d’autres associations sur le territoire, “il y a une certaine cordialité entre les équipes, assure le président. On n’y va pas forcément pour faire de gros tableaux de chasse.”

La chasse s’est ouverte le 14 septembre dernier dans le Val de Morteau.

Même si la volonté et l’envie de réaliser de beaux tableaux de chasse étaient là, les chasseurs auraient bien du mal à le concrétiser. En cause : un nombre de moins en moins important de gibier. Pour cette année, l’A.C.C.A. a l’autorisation de prélever 17 chevreuils, 6 sangliers en début de saison et 3 lièvres. “On n’a pas de gibier en abondance, et ça a évolué, reprend Samuel Billod-Laillet. Il y a plusieurs facteurs comme la mécanisation agricole mais la route Les Fins-Morteau, c’est une catastrophe. Nous, on a le droit de tuer 17 chevreuils cette année, mais il s’en tue bien plus sur les routes. Et toute l’année.” Même constat pour le petit gibier, clairement en perte de vitesse depuis de nombreuses années. Thierry Choulet, chasseur aux Fins mais aussi à Grand-Combe-Châteleu, sur le camp militaire à Valdahon ou encore en Haute-Saône, est un passionné de chiens d’arrêt et aime chasser le petit gibier : le canard, la bécasse, la bécassine. Dès l’âge de 4 ans, il partait à la découverte du petit gibier. Des décennies plus tard, il dresse un bilan peu reluisant : “Les grives ont disparu, avant, on voyait des milliers de pigeons, il n’y en a plus un. Les siffleuses (des grives musiciennes, N.D.L.R.), on n’a plus rien du tout. Je ne vais plus aux grives depuis dix ans. La bécasse se porte pas trop mal.” Selon lui, le problème vient de la destruction de l’habitat naturel de ces oiseaux. “On a beaucoup de bostryche, donc beaucoup de coupes d’arbres.”

Publicité - Boostez vos ventes grâce aux bons cadeaux ckdo.pro

Thierry Choulet est aussi un amateur de chasse à la bécassine des marais. Cette espèce est la proie d’une bataille judiciaire entre la Ligue de protection des oiseaux et la fédération de chasse du Doubs. La première souhaite interdire la chasse de l’animal, menacée d’extinction. Dernièrement, le tribunal administratif de Besançon a suspendu l’arrêté préfectoral autorisant la chasse de la bécassine des marais dans le Doubs (voir ci-contre). “Pour cinq couples nicheurs dans le Drugeon, on ferme toute la chasse dans le Doubs, s’énerve Thierry Choulet, qui avait déboursé près de 300 euros pour payer son action de chasse pour la bécassine des marais. La bécassine est un oiseau migrateur, on est dans le couloir de la Russie, on est dans le couloir des pays baltes et tout se rejoint en Bretagne. Ils interdisent dans le Doubs mais on peut les chasser chez les voisins. Dans le Doubs, je n’ai pas le droit, en Haute-Saône, je peux. Fermer ne va rien changer. D’après les passages et les comptages, l’espèce n’est pas en danger.” Le chasseur met en avant la réglementation mise en place pour éviter les abus : 30 bécassines au maximum sur l’année, 6 maximum dans la semaine, et trois au maximum par jour. Un réseau social peut même être utilisé pour noter la localisation et joindre une photo de l’animal tué. Pour Thierry Choulet, qui a connu Morteau avec des marais, il “faut déjà protéger le biotope. 75 % des marais ont disparu.”

S’il y a une chose qui ne change pas, saison après saison, voire augmente, c’est bien la crispation que suscite l’activité de la chasse entre les pro- et les anti. Pour les deux camps, la nature est chasse gardée.