Président de la Fédération depuis 2013, Jean-Maurice Boillon évoque tous les enjeux de la chasse dans le Doubs : dégâts agricoles, effectifs, dénigrement sociétal, renard, bécassine des marais, lynx, conflits à Mamirolle…

C’est à dire : Les dégâts de gibier sont-ils toujours d’actualité ?
Jean-Maurice Boillon
: Tout à fait. À l’échelle nationale, cela représente une enveloppe de 80 millions d’euros. Chaque fédération doit autofinancer les dégâts de gibier au monde agricole à partir de deux sources : le produit des bracelets et la contribution territoriale à l’hectare. À chaque préjudice, les agriculteurs font des déclarations qui sont ensuite validées par des experts. L’évaluation des dégâts est réglée par une équation qui prend en compte la surface et la nature de la parcelle : pré, culture, bois…

“Pour le budget d’un chasseur : comptez 1 000 à 2 500 euros par an”, estime Jean- Maurice Boillon, le président de la Fédération des chasseurs du Doubs.

Càd : Combien de bracelets sont attribués dans le Doubs ? Et que rapportent-ils ?
J.-M.B.
: Ces quotas d’animaux sont attribués par territoire de chasse aux A.C.C.A. mais aussi aux 160 chasses privées et aux 11 lots domaniaux. On attribue 5 000 bracelets chevreuils pour une réalisation qui varie entre 4 000 et 4 500. Un bracelet chevreuil rapporte 30 euros. Pour les sangliers, on est à 4 000 bracelets avec une réalisation entre 3 000 et 3 500 et 40 euros le bracelet. On distribue 250 bracelets cervidés avec une réalisation autour de 200 et un prix de bracelet qui varie entre 125 et 250 euros. Le lièvre, c’est entre 600 et 800 bracelets pour une réalisation entre 500 et 600. Les bracelets lièvre sont gratuits. Il reste 400 bracelets chamois pour un prélèvement effectif entre 250 et 280 et un prix de bracelet à 30 euros. Pour revenir au montant des dégâts de gibier, quand on a pris en compte tous les paramètres, cela peut représenter un surcoût pouvant aller jusqu’à 100 euros par chasseur s’il est dans une A.C.C.A. avec peu d’effectifs, une grande surface et beaucoup de dégâts.

Càd : Quels sont les autres postes de dépenses pour aller à la chasse ?
J.-M.B.
: Il faut bien sûr compter le permis de chasse, la carte d’accès au territoire dont le montant varie entre 70 et 300 euros en fonction du nombre de chasseurs, de la surface. Certaines A.C.C.A. organisent des lotos et des animations pour récupérer de l’argent et financer les frais de gestion. Dans mon A.C.C.A., la facture varie entre 4 000 et 5 000 euros pour 24 chasseurs, soit environ 200 euros par chasseur. L’autre poste est lié aux équipements qui intègrent la tenue, les chaussures, les munitions et bien entendu les armes sachant qu’il faut un fusil pour le petit gibier et une carabine pour le gros gibier. Il y a aussi les frais de transport et ceux liés aux chiens : achat, collier, nourriture. Au final, pour le budget d’un chasseur : comptez entre 1 000 et 2 500 euros par an.

Càd : Qu’en est-il des accidents de chasse ?
J.-M.B
. : À l’échelle nationale, on dénombre une centaine d’accidents par an dont une dizaine sont mortels, pour 1 million de pratiquants. C’est trop j’en conviens, mais cela reste beaucoup moins dangereux que le V.T.T., l’alpinisme, la baignade…

Les fédérations de chasse on fait de gros efforts de formation sur la sécurité et les relations avec les autres usagers de la nature (photo Dominique Gest).

Càd : L’image de la chasse et des chasseurs reste très négative ?
J.-M.B.
: Effectivement. Le sketch des Inconnus nous a fait beaucoup de mal. On peut parler de chasse bashing. Quand un chauffard occasionne un accident, on ne dit pas que tous les automobilistes sont des chauffards. Quand un chasseur a un comportement délictueux, cela retombe sur tous les autres pratiquants. On critique beaucoup dans la chasse l’acte de mise à mort. J’admets qu’on ne puisse pas être d’accord sur cette question, mais pas au point qu’on nous massacre.

Càd : La sécurité est une priorité ?
J.-M.B
. : Oui, et il y a eu une très grosse évolution sur ce point. À chaque battue qui reste la technique de chasse la plus pratiquée, on répète systématiquement les consignes de sécurité.

Càd : Comment évolue l’effectif de chasseurs dans le Doubs ?
J.-M.B
. : On était 10 000 en 2004 contre 7 000 aujourd’hui. Le nombre de chasseurs a chuté de 30 % en 20 ans. Chaque année, on accueille entre 280 et 300 nouveaux chasseurs, sauf qu’il en sort 500. Les raisons sont multiples : évolution de la vie rurale, dénigrement…

Càd : Que faire pour enrayer cette baisse ?
J.-M.B.
: On organise une année sur deux “Un dimanche à la chasse” qui a lieu le 2ème ou le 3ème samedi d’octobre. Plusieurs centaines de personnes y participent. C’est l’occasion pour nous de chasser les idées reçues, de casser les préjugés.

Càd : Est-ce que la chasse attire la gent féminine dans le Doubs ?
J.-M.B
. : En France, le taux de féminisation à la chasse est de 3 %. Dans le Doubs, on est à 5 % et entre 15 et 20 % des nouvelles recrues sont des femmes. À ce rythme-là, on pourrait arriver à la parité d’ici 15 ou 20 ans.

Càd : Et la réputation du chasseur alcoolisé ?
J.-M.B
. : La tradition si l’on peut parler ainsi de la 3ème mi-temps se pratique dans beaucoup de loisirs, y compris la chasse, mais boire avant ou pendant l’action de chasse, c’est fini.

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Càd : Chasseurs, agriculteurs, écologistes ont réussi à travailler ensemble sur l’étude Careli qui vise à mesurer l’impact du renard selon qu’il soit chassé ou pas. Qu’en pensez-vous ?
J.-M.B.
: Ce dossier est en cours depuis plus de cinq ans autour de la problématique du classement du renard en Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts (E.S.O.D.). Dans le Doubs, on a prouvé que le renard n’a pas d’effet sur les pullulations de campagnols. Les effectifs de renards suivent les cycles de pullulation puis quand le cycle se termine, il y a un report de prédation. Ce phénomène a été étudié par Careli qui offre une approche scientifique, raisonnée et raisonnable. C’est l’une des rares initiatives qui fasse consensus au niveau national entre le monde de la chasse et celui des écologistes. On est à mi-parcours. On a déjà quelques indications pour constater qu’avec ou sans la chasse, les populations de renards ne changent pas.

Càd : Les positions sur la bécassine des marais sont beaucoup plus tendues !
J.-M.B.
: Sur ce dossier, on est dans la confrontation complète au point que cela puisse remettre en cause pas mal de choses comme notre implication dans l’étude Careli. On est conscient des enjeux. Pour l’instant, de notre point de vue, il n’y a pas encore d’études capables d’évaluer le nombre de bécassines nicheuses dans la vallée du Drugeon. On a retardé la date d’ouverture de la chasse à la bécassine de plus d’un mois. On a aussi posé un Prélèvement Maximal Autorisé sur la bécassine des marais pour maîtriser les effectifs prélevés. On parle de chasse adaptative. La L.P.O. a contesté l’arrêté préfectoral et le juge l’a fait annuler. Du coup, c’est l’arrêté ministériel qui s’applique, ce qui signifie que l’on pourrait continuer à chasser la bécassine dans changement de date, ni P.M.A. Mais si l’arrêté ministériel venait à s’appliquer, on respecterait ce qui avait été fixé. À savoir qu’un chasseur puisse prélever trois individus par jour avec un maximum de trente sur la saison. Rappelons que ce qui impacte d’abord les effectifs des couples de bécassines nicheuses, ce sont les dégradations de son habitat.

Càd : L’Association pour la Protection des Animaux Sauvages multiplie les critiques sur la manière dont vous régulez la population de chevreuils et de chamois. Quel est votre avis ?
J.-M.B.
: Les chiffres et observations annoncés par cette association sont faux. Elle joue aussi la corde sensible avec l’image du Bambi de Walt Disney en nous faisant passer pour des affreux personnages sans foi, ni loi. On s’interroge pour savoir comment réagir face à ces attaques infondées.

Càd : Le lynx cause de l’ombre aux chasseurs ?
J.-M.B.
: Pour moi, on arrive à un niveau de saturation sur l’effectif de lynx dans le Doubs. Il y avait 10 000 chevreuils dans le département en 2004 contre moins de 5 000 aujourd’hui alors que l’effectif devrait se situer entre 6 000 et 8 000. Il y a la prédation du lynx mais aussi une forte mortalité des chevrillards liée au réchauffement climatique. En effet, le chevreuil n’arrive pas à adapter son cycle de reproduction contrairement au chamois ou au sanglier. Par conséquent, on a été contraint de réduire les attributions pour maintenir du mieux possible la reproduction en place.

Càd : La guerre entre les chasseurs à Mamirolle a défrayé la chronique l’an dernier. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’interdiction de chasse sur cette commune est toujours maintenue ?
J.-M.B.
: La situation à Mamirolle relève plus des soucis de droit commun que de chasse. S’ajoute une problématique d’un non-chasseur qui pratique sans avoir le permis. Aujourd’hui, la chasse est fermée. Un comité de gestion est en cours de formation pour faire prévaloir une chasse plus calme, plus respectueuse. Quand tout sera en place, ce comité proposera au Préfet de rouvrir la chasse. S’il n’y a pas d’ouverture envisageable, on organisera des battues ou des tirs par des louvetiers.