Le président de l’association des maires ruraux du Doubs (A.M.R. 25) Charles Piquard s’oppose à la mise en place immédiate de cette réforme du mode de scrutin. Il s’en explique.
C’est à dire : L’association des maires ruraux de France a rendu un avis favorable sur ce projet. Pourquoi ici dans le Doubs êtes-vous contre ?
Charles Piquard : Cette réforme a fait beaucoup de bruit au sein des communes rurales. Même si au niveau national l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France ont donné un avis favorable à cette réforme, ici, on reste opposé à son application immédiate. Je pense que la question de la parité obligatoire va poser des problèmes.
Càd : Vous êtes contre la parité ?
C.P. : Non, pas du tout. Je pense juste que ça restera compliqué de convaincre autant de femmes de s’engager. La parité des femmes met en valeur leur engagement et c’est une très bonne chose mais en pratique, on confie souvent les mêmes missions aux femmes dans un conseil municipal : les écoles, le social, les associations… Dans ma commune par exemple, c’est une femme qui s’occupait de la forêt. Il faut que les habitudes évoluent, la parité en fait partie, mais c’est un peu précipité. J’espère d’ailleurs qu’on aura plus de femmes maires dans les prochains conseils municipaux. J’estime évidemment que les femmes, sans doute plus diplomates, sont entièrement légitimes et capables d’être à la tête d’une commune.
Càd : Il n’y a que cette question de la parité qui risque de poser problème ?
C.P. : Non, beaucoup de mes collègues maires d’une petite commune dans le Doubs me disent qu’ils auront beaucoup de mal à faire une liste complète. Je pense qu’il devra y avoir des aménagements, ça risque de coincer dans certains endroits. À mon avis, le gouvernement devrait laisser passer ces élections de mars 2026 avant d’appliquer cette réforme. Je pense que c’est encore possible.
Mais derrière cette réforme du mode de scrutin, j’y vois autre chose. Quand l’État va voir que certains petites communes n’arriveront pas à monter une liste, ils vont leur dire : vous n’avez qu’à vous regrouper avec la commune d’à côté ! Il y a des exemples de fusions de communes réussies, il y en a d’autres, j’ai quelques exemples en tête, beaucoup plus compliquées ! En revanche, la question du panachage est toujours délicate et sujette à problèmes. C’est bien que ce point soit supprimé.

Càd : Quelle est la priorité selon vous pour les communes rurales ?
C.P. : C’est bien la réforme du statut de l’élu que l’on nous promet depuis des années. Il y a 42 ans que je suis maire, nos associations d’élus ont travaillé sur ce sujet depuis des années et on ne voit toujours rien venir… Les maires méritent d’être mieux protégés, physiquement et juridiquement, mieux accompagnés et qu’ils puissent bénéficier d’heures prises en charge pour se consacrer à leur mandat. Dans le projet de réforme du statut d’élu local, l’A.M.R. avait listé 35 points à traiter, la liste est longue, et ils ont quasiment tous été retoqués dans les discussions. Au motif que ça coûterait cher aux finances publiques ! On va continuer à se battre, j’y crois encore.
Càd : Combien gagne un maire rural par mois ?
C.P. : C’est moins de 1 000 euros et je sais, et c’est notamment mon cas, que peut-être les trois quarts des maires ne prennent pas la totalité de l’indemnité car ils ont bien conscience que les finances des communes rurales sont fragiles. Et c’est un mandat où on ne compte pas ses heures. Hier encore, la gendarmerie m’appelait à 6 heures du matin pour gérer une vache en divagation. C’est le quotidien des maires ruraux. À côté de cela, être maire, c’est une magnifique expérience et bien sûr de la reconnaissance. Si on n’aimait pas ça, on n’aurait arrêté depuis longtemps !
