Depuis 15 ans, l’association franco-maghrébine du Val de Morteau promeut la convivialité et l’ouverture aux autres par le biais de manifestations et d’activités. En mars dernier, deux actes malveillants avaient profondément perturbé les adhérents et la quiétude de l’association

Près de cinq mois plus tard, Mohamed El Asaass, président de l’association franco-maghrébine du Val de Morteau, est toujours en attente de réponses. Au printemps, “dans la nuit du 8 au 9 mars”, se souvient précisément le Villérier, marqué comme les autres adhérents par l’événement, des balles se fichent dans la façade des locaux de l'association, rue Bellevue. Cinq impacts sont relevés sur les murs. “À la suite de ça, et face à l’inquiétude de nos membres, le bureau a décidé d’assigner des personnes de l’association à la sécurité pendant les périodes où l’on accueille le public, resitue Mohamed El Asaass. Le 12 mars, quelques jours après cet incident, quelqu’un est venu, en voiture, et ce n’était pas par hasard.” Ce jour-là, le président de l’association est en charge justement de la sécurité aux abords des locaux. Il repère une voiture faire un tour, puis deux. “La troisième fois, il a visé des personnes à pied. Il a coincé trois femmes entre le grillage et des voitures.” Ayant réussi à poursuivre la voiture avec d’autres membres, Mohamed confronte l’homme, habitant à plusieurs centaines de mètres des locaux. “On a parlé avec ce Monsieur, il était assez virulent, on a fini par appeler les gendarmes. C’est un acte raciste, il l’a dit textuellement”, relève Mohamed. Ce dernier porte plainte en gendarmerie.

Mohamed El Asaass, président de l’association franco-maghrébine du Val de Morteau

Pour l’heure, l'enquête ne donne pas de résultats. “On ne sait pas, on ne saura peut-être jamais”, soupire Dominique Mollier, maire de la commune, qui interroge régulièrement la gendarmerie. La commune entretient de bons rapports avec l’association. “Aujourd’hui, notre inquiétude, c’est que quelqu’un se balade avec une arme sur Villers-le-Lac”, reprend Mohamed, par ailleurs conseiller municipal d’opposition. En 15 ans d’existence de l’association, c’est la première fois qu’elle est confrontée à de tels actes malveillants. Mohamed El Asaass a dû tranquilliser et calmer ses adhérents. “Nous avons deux types d’adhérents. Ceux qui ont toujours habité le Val de Morteau, ils savent que le coin est calme avec peu de délinquance. Les autres sont venus de grandes villes pour travailler en Suisse. Ceux-là sont habitués à ces actes et étaient sur la défensive. La situation était compliquée, je leur ai dit qu’on devait laisser faire les services de l’État. Pendant le ramadan, des gens venaient la peur au ventre”, se souvient Mohamed qui a dû calmer certains esprits échauffés. “Nous sommes très conscients qu’il y a un voisinage à respecter, on organise nos événements les weekends”, reprend le président.

En juin dernier, l’association a organisé une belle fête dédiée aux familles et ouverte à tous pour favoriser encore et toujours la convivialité.

Parce que l’association cultive avant tout la convivialité et l’ouverture aux autres, la fête de la fin du Ramadan a été l’occasion d’une journée de solidarité. Élus, associations du territoire, le sous-préfet, mais aussi les voisins, ont été conviés. “L’idée était de rassurer tous les citoyens. Nous sommes une association de loi 1901 qui ne peut pas accueillir du public dans les locaux parce que nous n’avons pas la norme E.R.P. (établissement recevant du public). Mais nous faisons beaucoup d’activités, ouvertes à tout le monde, y compris à ceux non musulmans”, observe Mohamed. Comme pour toute association, sous réserve d’une adhésion, il est possible de suivre des cours d’arabe pour les enfants. “Ce sont d’ailleurs les professeurs bénévoles qui ont découvert les tirs le dimanche matin”, déplore le président. Certains parents ont eu peur et ont stoppé les cours. Deux fois par semaine, les femmes se réunissent pour l’apprentissage de la langue française et des activités culinaires. Lors de la Coupe du monde de football, l’association diffusait les matches.

Publicité - Boostez vos ventes grâce aux bons cadeaux ckdo.pro

Forte de 60 familles adhérentes sur le Val de Morteau, l’association a été créée il y a 15 ans pour pallier un manque. Les Maghrébins se rendaient à la mosquée turque de Morteau. “Nous n’avons pas les mêmes pratiques, les gens ressentaient un manque”, explique Mohamed. Si l’association fait aussi office de salle de prière, elle accueille aussi des non-pratiquants. “Nous sommes dans un pays laïc. La première règle, c’est de respecter les autres religions. Il est hors de question de mettre en avant la religion. L’association est là pour la convivialité et dynamiser la communauté”, précise le président. Preuve de leur ouverture aux autres, l’association a organisé en juin, une grande fête familiale dans le parc à côté de la salle des fêtes. “On voulait que les enfants qui jouaient dans le parc profitent aussi des activités. Il y a eu 250 enfants, et on a vu une mixité”, se réjouit le conseiller municipal. Dans la même veine, certains adhérents donnent souvent un coup de main aux Restos du cœur du Val de Morteau, confrontés à une certaine fatigue de ces bénévoles âgés. Un bel exemple d’ouverture aux autres et de mixité que n’entament pas les actes malveillants.

En 2021, les mosquées de Pontarlier, Montlebon et Besançon ainsi que l’association des Turcs de Pontarlier avaient fait l'objet de tags, représentant la croix de Lorraine. À l’époque, un jeune homme de 23 ans, ancien candidat du Rassemblement national aux élections départementales, avait reconnu les faits, motivé par une haine antimusulman. Reste que, sur le Val de Morteau, le climat reste globalement serein, selon Dominique Mollier, vigilante sur ces questions. L’élue était d’ailleurs présente aux assises territoriales de l’Islam, fin juin.