Anne Vignot, la maire de Besançon et présidente de G.B.M. réaffirme le cap de sa politique. Au-delà des bonnes intentions, quelle est sa vraie vision de la politique locale et du mandat que lui ont confié les Bisontins il y a bientôt trois ans ? Entretien.

La Presse Bisontine : En reprenant la liste de vos principales promesses de 2020, on voit que trois ans plus tard, beaucoup ne sont pas mises en œuvre ni même engagées (cantine 100 % bio, centre de santé dans l’Est bisontin, manifestation culturelle “La rue est à nous”, création d’un Témis “développement durable”, transport gratuit pour les moins de 26 ans, d’un revenu minimal jeune…). De quoi décevoir beaucoup de vos électeurs ?…

Anne Vignot : Pour l’instant, aucun de ces projets n’est abandonné. Mais tout le monde est bien conscient que la crise sanitaire, sociale, financière, inflationniste nous oblige évidemment à devoir revoir l’ensemble de nos investissements. Les contrats dits de Cahors présentés par le gouvernement aux collectivités locales nous obligent à réduire nos dépenses, il faut composer avec. Cette réorientation des dépenses publiques en fonction de nos moyens impactera aussi des manifestations que la Ville soutient comme le Carnaval, le Marché de Noël, les Instants gourmands… Toutes ces initiatives devront prendre de nouvelles orientations en concordance avec les moyens de la collectivité. Mais concernant les projets, rien n’a été abandonné. Certains prendront forcément plus de temps à émerger. On réajuste nos projets, mais on ne perd pas le cap. Certains projets n’arriveront à maturité qu’au cours du mandat suivant. Il y a aussi des dossiers sur lesquels nous avançons plus vite que prévu : le dossier Saint-Jacques qui a été débloqué, Grette-Brulard où nous avons modifié le contrat avec l’État pour pouvoir reconstruire plus vite que prévu, les investissements consentis dans la rénovation du campus Bouloie-Témis, etc.

L.P.B. : Vous vous projetez donc déjà dans un second mandat ? La violence des débats municipaux, intercommunaux parfois, ne vous ont jamais incitée à jeter l’éponge ?

Anne Vignot : Je n’ai jamais eu envie de claquer la porte ! Jamais ! On jette l’éponge quand on ne sait pas pourquoi on est là. Ce n’est pas mon cas. Je suis au contraire toujours aussi convaincue de la pertinence de mon programme. Et clairement, oui, je me projette au-delà de 2026. Nous avons une très belle équipe, et il est clair que j’aurai envie de continuer avec.

“On réajuste nos projets, mais on ne perd pas le cap.”

L.P.B. : Un programme et une façon de gouverner (vous êtes parfois taxée d’autoritarisme) qui crispe notamment l’opposition et rend les débats municipaux souvent inaudibles pour les citoyens…

A.V. : Le fait que je provoque des réactions aussi nettes des oppositions, j’en suis presque à le comprendre, car nos propositions et notre programme illustrent une telle différence entre le conservatisme de ceux qui s’opposent et le côté innovant de notre programme ! J’estime que la violence des propos de l’opposition exprime le gouffre qui existe entre leur vision des choses et les innovations et l’audace de nos propositions et du modèle économique que l’on défend. Quant au procès en autoritarisme, je le réfute totalement.

Anne Vignot défend ses valeurs et déroule un programme qu'elle qualifie d'innovant.
Anne Vignot reconnaît qu’une partie du programme municipal de 2020 prendra plus de temps que prévu pour être appliqué.

L.P.B. : Un modèle basé sur la décroissance ? Besançon compte 22 % de familles sous le seuil de pauvreté. La décroissance prônée par votre famille politique ne va pas arranger la situation !
A.V. : Je ne sais pas ce que signifie cette notion de décroissance. On sait que la logique de la croissance pour la croissance, ça ne marche pas ! D’autant que la croissance n’implique pas forcément le partage. Si on part du constat que les ressources sont désormais limitées et qu’il est nécessaire de réajuster notre modèle économique et que cela s’appelle de la décroissance, alors oui, j’approuve. Et je suis persuadé que même les acteurs économiques d’aujourd’hui, les industriels sont conscients qu’ils doivent inventer un nouveau modèle de croissance. Les industriels locaux avec qui je parle, quand ils disent devoir chercher un nouveau marché, en sont bien conscients aussi. Plus globalement, nous sommes à une époque où tous les travailleurs cherchent du sens à ce qu’ils font, et pas à tout prix de la croissance matérielle.

L.P.B. : La hache de guerre est-elle enterrée avec les maires de la périphérie qui vous reprochent votre façon de gouverner G.B.M. ou la façon de traiter certains dossiers dans leur commune ?
A.V. : Ce territoire du Grand Besançon présente une hétérogénéité, avec un tissu dense à certains endroits et une ruralité et un certain isolement à d’autres. Comment fait-on pour amener les transports en commun partout avec un bon niveau de service, ou réaliser des travaux d’assainissement partout en même temps ? Je peux concevoir que certains maires qui n’ont plus la prise directe sur ces compétences se sentent parfois impatients et voudraient qu’on aille plus vite, mais parfois ces revendications sont aussi teintées de politique et je ne suis pas dupe. Pour la question de gouvernance, on a organisé une première conférence des maires qui s’est très bien passée et je suis bien décidée à reprendre cette relation directe avec les maires des différents secteurs en multipliant les conférences des maires, je me suis engagée à assister au moins une fois par an aux réunions de secteurs. Ce besoin de rencontrer les équipes municipales des communes de G.B.M., je le ressens aussi.

“La misogynie ne m’a jamais empêchée d’avancer.”


L.P.B. : Sur le plan de la gouvernance, seriez-vous ouverte à un changement de système où comme à Lons-le-Saunier ou à Dole, le maire de la ville-centre n’est pas président de l’agglomération ?
A.V. : La charte qui régit G.B.M. est à mon sens équilibrée, on ne peut pas nier les 60 % de la population globale que représente la ville de Besançon. Ce serait anti-démocratique.

L.P.B. : Est-ce vraiment plus compliqué de diriger une ville de 120 000 habitants et une agglomération de 200 000 quand on est une femme ? La misogynie existe-t-elle ici ?
A.V. : Dans la tête de certains élus, il reste en effet je pense un rapport de virilité par rapport à l’exercice du pouvoir. Mais sur ce point, dans ma vie politique comme dans ma vie personnelle, rien de tout cela ne m’a jamais empêchée d’avancer et ne m’empêchera jamais de le faire.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Bisontine
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