Nos voisins suisses ont décidé de rattraper le retard dans le développement de l’éolien en favorisant à grand renfort de subventions la construction de parcs imposants, implantés principalement dans l’Arc jurassien suisse, au grand désespoir des associations opposées à ces projets.

La Suisse va multiplier par 4 ou 5 le nombre d'éoliennes

On comptait jusqu’à présent 42 éoliennes sur toute la Suisse, dont 16 uniquement sur le site du Mont Crosin dans le Jura suisse qui abritait le plus grand parc du pays. Ce nombre pourrait être multiplié par quatre ou cinq si tous les projets annoncés aboutissent, ce qui devrait être le cas. Comme le déplore Thierry Ray de l’association Les Travers du Vent. “La Suisse a choisi de sortir des énergies carbonées d’ici 2050. Les Suisses ont approuvé le 18 juin dernier la Loi sur le climat et l’innovation. Pour tenir cet objectif, décision a été prise de recouvrir les Alpes de panneaux solaires et le Jura d’éoliennes. Tout a été arrangé d’un point de vue législatif pour limiter les droits de recours. Conséquences : les projets poussent comme des champignons. Au Collectif, on est pour le renouvelable mais de façon raisonnable contrairement à ce qui se passe actuellement.”

Le Val de Travers particulièrement exposé

Le Val de Travers est particulièrement exposé et pourrait être “cerné” par 86 éoliennes dont 19 pour le seul parc de la Montagne de Buttes qui deviendrait le plus important du pays. “On a épuisé pratiquement tous les recours au Tribunal fédéral qui devrait sans doute valider les travaux dans quelques semaines. Certaines de ces éoliennes seront à quelques centaines de mètres de la frontière avec la France.” Ce qui ne va pas sans susciter la colère des riverains.

Comme ne manque pas de le faire Jean Schmitt de l’Auberge du Tillau. “Je trouve que les Suisses sont fort sympathiques de coller les éoliennes sur la frontière. C’est assez hallucinant. Ils vont détruire des dizaines d’hectares de forêt et installer d’énormes massifs en béton au pied des mâts. Au niveau du bilan carbone, on peut mieux faire. L’auberge a essayé de s’associer aux recours engagés par les associations suisses. Sans succès. Notre établissement fonctionne très bien avec une clientèle internationale qui vient chercher ici de l’authenticité. On envisage de doubler la capacité d’accueil hôtelière mais on va attendre de voir ces implantations éoliennes avant de se décider. Je suis également surpris de la passivité des autorités françaises qui auraient largement de quoi faire pression pour limiter cette proximité.”

Un second parc de 18 éoliennes est prévu au-dessus de Fleurier sur le Mont de Boveresse. D’autres projets vont transformer la vue sur deux sites naturels assez emblématiques de l’Arc jurassien, à savoir le sommet du Chasseron et l’amphithéâtre du Creux du Van. Les arguments des opposants sont toujours les mêmes : pollution lumineuse, bruits, atteintes à la biodiversité, dégradation des paysages... “En Suisse, on a modifié les lois pour que les intérêts de l’énergie verte soient supérieurs à ceux de la nature.

Modifications législatives en Suisse

Les études d’impact sur la biodiversité sont très douteuses. C’est un combat perdu d’avance. Le seul espoir qui subsiste, c’est de réduire ici ou là le nombre de machines”, poursuit Thierry Ray qui suggérait de valoriser davantage le potentiel solaire en recouvrant les toits du Val de Travers avec des panneaux photovoltaïques.

Même son de cloche au niveau de l'association Paysage libre”, très sceptique sur l’intérêt de l’éolien. “À l’échelle de tout le pays, on a identifié très peu de sites favorables. Les projets s’échelonnent le long de la frontière sans aucune coordination. On est surpris que les autorités fédérales acceptent, par exemple, une telle densité autour du Val de Travers. On va sacrifier l’environnement sur l’autel de la production énergétique. Les dix prochaines années vont être un véritable désastre environnemental et paysager sur l’Arc jurassien. La législation suisse est très laxiste. Elle ne prévoit pas, par exemple aucune distance minimale entre une éolienne et une habitation”, ajoute Michel Fior, le porte-parole de l’association dans l’Arc jurassien suisse.

Premier chantier à Sainte-Croix

L’actualité, c’est l’installation en cours des six éoliennes de Sainte-Croix. Le projet est porté par Romandie Énergie. La production d’électricité est évaluée à 22 millions de kWh par an. Soit la consommation des ménages et industries de la commune de Sainte-Croix. Trois mâts émergent déjà à proximité des fermes du Mont des Cerfs et de la Gittaz-Dessus. Les prémices de ce projet remontent à 1999, date à laquelle les opposants avaient constitué l’Association pour la Sauvegarde des Gittaz, du Mont des Cerfs et de Sainte-Croix. Ils ont défendu leur cause avec succès pendant plus de vingt ans même si le destin du projet a basculé en 2012 quand les Sainte-Crix ont approuvé par 1 103 voix contre 966 l’installation de sept hélices réduites à six suite au retrait de l’éolienne la plus proche des habitations. “En 2020, quand le tribunal fédéral a finalement tranché en faveur de l’éolien, Michel Bühler le chanteur qui était à la tête de l’association a préféré remobiliser les opposants au sein du collectif “Sainte-Croix sans hélices”, rappelle Ann qui en fait partie.

Le collectif a porté différentes actions, notamment une pétition qui a recueilli 800 signatures. “On demandait un moratoire de cinq ans, reconductible pour trois années supplémentaires sur l’installation de ces éoliennes, en vue de déterminer des zones réservées pour mieux préserver nos paysages, la biodiversité et notre santé. Aujourd’hui, on focalise le combat sur la santé sachant qu’une des éoliennes est proche d’un établissement qui accueille des personnes âgées.”

Toujours prêts à lutter, les membres du collectif continuent à tenir une permanence le samedi matin de 10 h 30 à 12 heures devant la mairie.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Pontissalienne
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