Avec d’autres élues du Doubs, la conseillère départementale Géraldine Tissot-Trullard vient de lancer l’association Élues locales dont elle sera présidente. Une instance qui défendra le statut des femmes élues

Géraldine Tissot- Trullard est conseillère départementale du canton de Frasne. Elle est photographiée ici à l’Étang du Moulin à Bonnétage.

C’est à dire : Pourquoi avoir souhaité lancer cette association des femmes élues du Doubs ?

Géraldine Tissot-Trullard : En tant que femme élue, j’ai été interpellée par plusieurs élues qui ont été confrontées à des problématiques de harcèlement dans le cadre de leur fonction. Ces échanges ne m’ont pas laissée indifférente et j’ai donc contacté le réseau national des “ambassadrices élues locales” que j’avais eu l’occasion de découvrir lors d’un Congrès des maires de France à Paris. Ce réseau national réunit déjà 10 000 femmes élues à l’échelle nationale. J’ai donc pris l’initiative de créer une antenne départementale de ce réseau qui a été officiellement lancé le 21 septembre à l’Hôtel du Département à Besançon en présence de Christine Bouquin la présidente du Département.

Objectifs de cette association

Càd : Quel est l’objectif de ce réseau ?

G.T.-T. : C’est d’intéresser le plus de femmes possible à la politique et de les aider à lever les obstacles à leur engagement. Les postes à haute responsabilité sont toujours occupés par une majorité écrasante d’hommes, et les femmes maires ne représentent que 20 % du total des maires en France. On s’aperçoit aussi qu’en politique, il n’y a pas les mêmes codes, les mêmes émotions pour un homme que pour une femme. Lorsqu’elles prennent la parole en public, les femmes politiques sont 7 fois plus interrompues que les hommes. Et sont régulièrement l’objet d’attaques sexistes que l’on n’imaginerait pas adresser à un homme. L’objectif de ce réseau est donc de faire prendre conscience de toutes ces inégalités et d’agir pour les réduire.

Causes des inégalités

Càd : Pourquoi cet écart persiste-t-il selon vous ?

G.T.-T. : On évoque pour parler de cette question de “syndrome de l’imposteur”, c’est-à-dire que les femmes limitent d’elles-mêmes leurs ambitions en politique du fait de ce syndrome encore trop présent pour la plupart d’entre elles. Et pour contrer ce sentiment d’illégitimité, les femmes auront tendance à travailler deux fois plus pour faire leurs preuves. Et ce qui manque aussi aux femmes en politique, c’est le réseau. Parce qu’aussi les hommes se cooptent et se recommandent entre eux. Les femmes au contraire n’ont pas cette culture du réseau et si elles réclament, cela passe pour un signe de faiblesse.

Càd : Comment vous êtes-vous intéressée à ces questions ?

G.G.-T. : Je suis première adjointe à Jougne depuis 2020 mais avant cela, je suis coach et jeme suis orientée sur du coaching de dirigeants.Comme eux, les grands politiciens ont des coaches alors, je me suis dit : pourquoi ne pas proposer du coaching pour les élus sur les territoires ? Avec l’association des maires duDoubs, j’ai donc eu l’occasion de coacher des élus locaux.
Côté politique, je suis élue au Conseil départemental en binôme avec Philippe Alpy sur le canton de Frasne. Je me suis prise au jeu de la politique car j’aime faire avancer les dossiers et en tant que coach, ces deux aspects de management et de politique peuvent se rejoindre.

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Expérience personnelle de Géraldine Tissot-Trullard

Càd : Personnellement depuis que vous êtes élue, avez-vous déjà ressenti cette espèce de différence de traitement entre les hommes et les femmes en politique ?

G.G.-T. : Je l’ai ressentie en effet. Quand vous prenez la parole sur certains sujets, on ne va pas forcément toujours vous prendre au sérieux. Dans les exécutifs, on cantonne souvent les femmes élues à des questions comme les écoles ou le C.C.A.S. Alors qu’on pourrait tout aussi bien empoigner des dossiers comme les travaux par exemple.

Càd : Si on revient à la question des binômes du Conseil départemental, vous pensez être moins visible que votre homologue mascu-lin ?

G.G.-T. : Naturellement, et c’est aussi parce qu’il a une plus longue expérience politique, les gens de notre canton vont plus solliciter Philippe Alpy que moi, bien sûr. C’est un peu plus compliqué pour moi de me faire accepter comme conseillère départementale mais une fois que c’est acté par un interlocuteur, il n’hésite plus à me solliciter à nouveau. C’est plus dur d’acquérir une légitimité, il faut faire ses preuves. Il m’est déjà arrivé dans un tour de table à l’assemblée d’un syndicat de préciser, sur le ton de l’humour bien sûr, que je n’étais ni la secrétaire, ni la suppléante de Philippe Alpy ! (rires).

Lancement de l'association

Càd : Comment se fera le lancement officiel de cette association Élues locales du Doubs ?

G.G.-T. : Le lancement officiel a eu lieu le 21 septembre à l’Hôtel du Département à Besançon. Nous avons déjà 80 adhérentes au sein de l’association dont la marraine est Christine Bouquin, qui représente si bien cette thématique. J’ai présenté à l’occasion de cette soirée de lancement ce que fait le réseau Élues locales et nous avons eu des témoignages de femmes élues. Je créerai une chaîne Youtube où seront interviewées régulièrement des femmes élues. L’adhésion à l’association départementale est gratuite, elle regroupe déjà aussi bien des élues de grandes agglomérations que d’autres élues dans des petites communes. Cette association est aussi ouverte aux hommes. On y accepte en effet les hommes qui ont envie d’aider les femmes ! Je précise que je ne suis pas seule à la manœuvre pour le lancement de cette association. On a formé un groupe de travail de quatre personnes pour organiser tout ceci, avec à mes côtés Marine Punkow (maire de Che-vigney-les-Vercel), Nadine Dussaucy (maire de Rancenay) et Françoise Bar-thoulot (maire des Terres-de-Chaux).

Càd : Et ensuite ?

G.G.-T. : Cette association vivra à travers les animations qu’elle mettra en place comme des cafés-discussions sur des thématiques variées. Cette association servira à échanger nos bonnes pratiques d’élues concernant la gestion d’un budget par exemple, ou tout autre dossier sur lesquels il y a des choses à apprendre et à échanger, et on organisera aussi des sessions de formation. Deux journées des femmes élues auront par ailleurs lieu à Paris les 24 et 25 novembre à l’occasion du Congrès des maires de France.

Position sur les quotas

Càd : Que pensez-vous des quotas hommes-femmes ?

G.G.-T. : Plutôt que des quotas imposés pour atteindre la parité, on aurait préféré un système à l’échelle nationale qui permette d’accompagner les femmes qui veulent faire de la politique, par du coaching, par des solutions de garde d’enfants, etc. Car oui, j’ai le droit d’être maman, femme et élue ! Tout cela ne doit pas être incompatible. Il faut juste nous donner les moyens de le faire. Cela reste peut-être un cliché mais quand un enfant est malade, qui court le plus souvent pour l’emmener chez le médecin ?

Càd : Cette nouvelle association se revendique féministe et militante ?

G.G.-T. : Nous ne sommes pas là pour faire du féminisme à outrance, mais juste pour défendre nos droits. Il y a de la place pour tout le monde, y compris en politique. Il faut juste ne pas nous mettre des barrières. Un cerveau de femme ou d’homme sur une table, on ne voit pas la différence ! (rires). Nous sommes une association apolitique, transpartisane, et militante dans le sens où on fera en sorte qu’au final, plus de femmes puissent s’engager en politique.

Le but est d'aider plus de femmes à s'engager, pas de faire du féminisme "à outrance".