Elisabeth Eychenne, directrice générale du Crédit Agricole de Franche-Comté (CAFC) fait le point sur les mesures exceptionnelles prises par les banques pour soutenir l'activité et jette un regard sur la sortie de crise. Interview.

Elisabeth Eychenne, directrice générale du CAFC (photo archive TC).

La Presse du Doubs : Comment aidez-vous vos clients, particuliers comme professionnels ?
Elisabeth Eychenne : Pour les professionnels, nous proposons des prêts à court terme à taux très bas. Ces financements prennent la forme d’un prêt sur 12 mois sans frais, avec la faculté pour l’emprunteur de l’amortir sur une période supplémentaire entre 1 et 5 ans. Ce prêt garanti entre 70% et 90% par l’Etat en
fonction de la taille de l’entreprise, est proposé à un taux de 0,25% pour les petites et moyennes entreprises, et 0,50% pour les grandes pour la première année. Par ailleurs, ce prêt peut atteindre jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires, permettant ainsi aux entrepreneurs d’avoir accès au financement nécessaire pour traverser la période actuelle très perturbée.
Pour les particuliers, nous offrons la possibilité d'assouplir le crédit en baissant le montant mensuel des remboursements.

LPDD : Le CAFC a déjà été beaucoup sollicité ?
EE :
En moins d'une semaine, nous avons déjà activé 3 500 pauses pour les professionnels et les entreprises. Pour eux d'ailleurs, on le fait quasiment automatiquement, sauf pour ceux qui le refuseraient. Nous sommes en train de contacter tous nos clients pro pour leur proposer ces solutions.

LPDD : Doit-on craindre un affaiblissement voire un écroulement des banques françaises ?
EE :
Les inquiétudes en ce moment sont sanitaires, elles ne sont pas tant sur la solidité des banques, et notamment du CAFC, car les mesures mises en oeuvre par l'Etat et la BCE sont faites pour s'adapter à la durée incertaine de cette crise sanitaire. Si bien que les entreprises qui étaient solides avant la crise le resteront même si elles sont blessées par cette crise. Celles qui n'étaient pas très en forme évidemment vont subir cette période plus durement. Mais mon modèle est le suivant, y compris pour les petites entreprises. Une entreprise qui a habituellement du chiffre d'affaires et des charges n'a en ce moment plus de chiffre d'affaires, mais ses charges habituelles sont en bonne partie amorties par les mesures d'activité partielle décidées par l'Etat. Et tant que l'activité ne redémarrera pas, ces entreprises n'auront pas plus de charges.
Les entreprises qui avaient des soucis de trésorerie ne creuseront pas non plus leurs pertes durant cette période et les nouveaux prêts que les banques peuvent désormais leur accorder doivent leur permettre de repartir. Le seul scénario plus dangereux, c'est pour les entreprises qui n'ont plus de chiffre d'affaires et qui ont encore des charges importantes liées par exemple à une gestion de stock important. On a affaire à une crise en U. La seule incertitude qui demeure, c'est combien de temps descendra la barre du bas avant qu'elle ne remonte.

"La garantie de l'Etat et de la BCE."

LLPD : Vous écartez donc un scénario semblable à 2008 ?
EE :
Je pense qu'on ne s'oriente pas vers la même crise bancaire qu'en 2008 qui avait été catastrophique pour le secteur. Notamment parce que depuis 2008, tous les ans, les banques françaises notamment ont rempli des exigences de plus en plus fortes d'année en année, de manière à ce qu'elle répondent, sur le plan de la trésorerie par exemple, à tous les critères requis par les instances monétaires mondiales. Deuxième élément : la BCE,  via les mesures prises par l'Etat, permettra cette fois-ci aux banques d'assurer tous les prêts qui sont consentis à leurs clients.

Elisabeth Eychenne (à droite), lors de l'inauguration du nouveau siège du CAFC à Besançon, le 7 février dernier. 

LPDD : Comment voyez-vous l'après-crise, même si elle devait durer encore plusieurs mois ?
EE :
Les spécialistes de l'économie estiment qu'après ce type d'accidents, il devrait y avoir un effet de rattrapage rapide. On peut imaginer que les gens auront envie de sortir, d'aller au restaurant, les voitures en panne devront être réparées, etc. Il faut évidemment admettre que les entreprises déjà fragiles auront du mal à passer le cap. En ce qui concerne le CAFC, 90% au moins de nos clients professionnels étaient en bonne santé avant la crise. Ceux-là vont avoir un coup de soufflet sur leur trésorerie, mais ils pourront bénéficier de ces fameux prêts à court terme.

L'inauguration du nouveau siège, c'était il y a moins de deux mois. Une autre époque...

LPDD : L'accueil de vos clients particuliers est toujours assuré ?
EE :
Sur nos 130 agences réparties sur la Franche-Comté, nous en avons gardé 70 ouvertes. Elles sont accessibles, avec le rideau baissé et un filtrage à l'entrée pour respecter toutes les mesures nécessaires. Pour celles qui sont fermées, leur accès est à distance avec du personnel disponible pour répondre au téléphone notamment. De manière générale, nous continuons à traiter toutes les opérations essentielles.

Propos recueillis par J-FH