À la suite de deux pollutions aux métaux lourds constatées dans le marais de la Tanche en novembre 2020 et juillet 2022, le collectif pour la sauvegarde du marais de la Tanche, la fédération départementale de la pêche et la Commission pour la protection des eaux (C.P.E.) avaient porté plainte. Mi-octobre, une convention judiciaire d’intérêt public devait être signée entre les parties civiles et l’industriel mis en cause. Finalement, il n’en est rien. Explications.

Mi-octobre, Nathalie Francesconi du collectif pour la sauvegarde du marais de la Tanche et Alexandre Cheval de la fédération départementale de la pêche, partent au tribunal de Besançon, le cœur plutôt serein. La convention judiciaire d’intérêt public (C.J.I.P.), rédigée par le Parquet et dans laquelle le groupe industriel mis en cause reconnaît les pollutions, accepte une amende, des dédommagements aux parties civiles et la remise en état du cours d’eau, doit être signée dans le bureau d’un juge.

Des pollutions sont régulièrement constatées dans le ruisseau de la de Tanche (photo archive Collectif de sauvegarde du marais de la Tanche).

En l’espèce, la C.J.I.P. met en cause l’entreprise mortuacienne située non loin du marais pour avoir du 26 novembre 2020 au 11 juillet 2022 “jeté, déversé ou laissé s’écouler (…) dans le ruisseau de la Tanche des eaux pluviales polluées par des métaux lourds, notamment du chrome, cuivre et nickel à des taux 25 à 30 fois supérieurs aux valeurs admises par arrêté préfectoral.” La peine proposée relève d’une amende d’intérêt public de 80 000 euros, des dédommagements aux parties civiles au titre du préjudice moral (6 000 euros pour le collectif pour la sauvegarde du marais de la Tanche, 2 000 euros pour la C.P.E. et 6 545 euros pour la fédération de pêche) et surtout, la dépollution du site dans un délai de trois ans.

“La convention avait été soumise en juillet et l’entreprise l’avait acceptée”, resitue Nathalie Francesconi. Sauf que, mi-octobre, dans le bureau du juge, le groupe industriel accompagné de son avocat a remis en cause certains points de la convention judiciaire, notamment la remise en état du cours d’eau dans un délai de trois ans, impossible à réaliser dans les temps selon lui. Et refuse donc de signer. Le juge n’ayant pas autorité à modifier la convention judiciaire rédigée par le Parquet, la procédure a été ajournée.

Quelles seront alors les suites ? Une nouvelle convention judiciaire ? Vers une audience en correctionnelle plus classique ? La décision est entre les mains du Parquet. Claire Keller, substitut du procureur en charge du Parquet de l’environnement se refuse à tout commentaire car “la convention est en cours” tout en précisant que la C.J.I.P. “n’a pas été contestée dans son principe ni sur le montant de l’amende proposée mais sur la faisabilité de la remise en état.”

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Pour Nathalie Francesconi et Alexandre Cheval, la pilule est dure à avaler, elle ne passe franchement pas. “C’est tout de même une question de santé publique, les pollutions sont graves, les métaux lourds se déposent dans les sédiments. Une partie de cette pollution est rejetée dans le Doubs qui est pompé pour l’utilisation d’eau potable en période de sécheresse. Du cuivre, du nickel et du chrome vont se retrouver dans notre robinet, s’insurge Nathalie Francesconi. Et puis, il y a eu deux pollutions constatées, mais il y en a eu d’autres.”

Pour Alexandre Cheval, tout est une question de gros sous. “L’argument comme quoi ce n’est pas possible de totalement dépolluer le site me fait marrer. C’est possible mais ça coûte cher. Il faut s’en donner les moyens”, remarque-t-il tout en soulignant qu’à l’aval du rejet de polluants se trouve l’alimentation en eau potable. “Ils ont mis en avant le délai de trois ans mais le juge ne peut pas aller au-delà de ce que la loi prévoit, c’est du pipeau, poursuit-il. Et encore une fois, la dépollution du site n’est pas notre problème, il ne fallait pas polluer. Si on se bat, ce n’est pas pour embêter les gens, on touche à un bien commun.”

Le garde-pêche met en avant le programme de restauration et de reméandrement du ruisseau, porté par l’E.P.A.G.E. Haut-Doubs Haute-Loue.

“La partie polluée ne fait pas partie des priorités. Si on a peu demandé en préjudice moral, c’est parce que derrière il y avait la remise en état du site, c’est tout ce que ne paieront pas les collectivités et les contribuables pour la restauration du cours d’eau. Maintenant, s’il n’y a pas de remise en état de la part de l’entreprise, on va changer notre calcul du préjudice moral pour estimer le coût de la dépollution. Il faut bien qu’ils payent d’une manière ou d’une autre.”

Invitée à s’exprimer, la directrice du site incriminé à Morteau n’a pas donné suite à nos sollicitations.


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