Ce dossier I.G.P. patine depuis des années en opposant les distillateurs partisans de la recette originelle à ceux qui sont favorables à la période de clandestinité où toutes les plantes étaient importées. Les uns et les autres ont finalement élaboré un cahier des charges à deux variantes qui devra être validé par l’Office Fédéral de l’Agriculture au printemps prochain.

Voilà bientôt deux décennies que les distillateurs du Val de Travers tentent de décrocher un signe de qualité : A.O.C. ou I.G.P. pour protéger et valoriser la fée verte. Un premier projet d’A.O.C. Absinthe est lancé suite à la dépénalisation proclamée le 1er mars 2005 en Suisse. Mais cette appropriation d’un nom générique suscite de vives oppositions aussi bien en Suisse qu’en France, si bien que le projet est abandonné.

Deuxième tentative en 2013 avec l’I.G.P. Absinthe du Val de Travers. “Pour nous, l’interprofession, il s’agissait d’avoir une I.G.P. mentionnant l’obligation d’utiliser cinq plantes cultivées dans le Val de Travers : petite et grande absinthe, hysope, mélisse et menthe”, indique Philippe Martin, le président de l’interprofession des distillateurs d’absinthe du Val de Travers. Ils sont quatorze.

“Je pense que l’on aura la réponse en février ou mars”, précise Philippe Martin, le président de l’interprofession qui réunit 14 distillateurs du Val de Travers.

Une autre structure, l’association des artisans distillateurs du Val de Travers, au nombre d’une dizaine, s’oppose à ce cahier des charges car elle entend pouvoir continuer à produire de l’absinthe du Val de Travers en utilisant des plantes étrangères comme pendant la clandestinité. De recours en recours, l’interprofession a peu à peu réduit la liste d’abord à la grande et à la petite absinthe, puis seulement à la grande absinthe sans jamais obtenir être entendue des opposants.
En désespoir de cause, décision est prise fin 2022 de recourir à un médiateur de la dernière chance. Cela aboutit à un nouveau projet I.G.P. Absinthe Val de Travers avec deux mentions, soit à base de plantes cultivées sur place, soit à partir de recettes issues de la clandestinité.

“Christophe Racine, le président de l’association des artisans distillateurs, le médiateur et moi-même avons déposé ce dossier I.G.P. à deux variantes à l’Office Fédéral de l’Agriculture qui va l’analyser avant de valider ou pas cette demande. Je pense que l’on aura la réponse en février ou mars. Cette solution à deux options est peut-être la moins mauvaise même si j’aurais souhaité travailler uniquement avec des plantes locales comme on l’a fait pendant deux siècles avant l’interdiction de 1910”, regrette Philippe Martin.

Il existe en Suisse une autre I.G.P., celle de l’eau-de-vie de Damassine produite dans le canton du Jura qui se décline aussi en deux versions. La distinction se fait en fonction de la damassine sauvage et celle cultivée en restant néanmoins dans le même territoire.

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Le compromis, ce n’est pas tant le genre de Claude-Alain Bugnon, le gérant de la distillerie Artemisia. Ce fervent défenseur de l’absinthe originelle a tout simplement claqué la porte de l’interprofession. “Cette double mention est une hérésie. C’est la traduction du compromis helvétique dans toute sa splendeur : ni pour, ni contre, bien au contraire. C’est pour cela que je suis parti pour être aujourd’hui le seul opposant à ce projet.”

Que va-t-il se passer sur l’O.F.A.G. invalide l’I.G.P. ? “À mon avis, il n’y aura pas de plan B. On sent que les gens sont fatigués avec toutes ces histoires”, admet Philippe Martin.

Contacté, Christophe Racine le président des artisans distillateurs reste sur la défensive. “Nous ne souhaitons pas, pour l’heure, communiquer car le dossier est encore en cours d’étude. On s’exprimera quand on connaîtra la réponse.”


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